
MAROC / ALGÉRIE. L’Algérie a frappé et le Maroc en a pris un coup. Le 15 août 2013, Dahou Ould Kabila, ministre algérien de l’Intérieur, annonçait une baisse de 50% du trafic de carburants aux frontières. Un mois plus tôt, l’Algérie lançait une véritable opération de lutte contre l’exportation illégale de carburant vers le Maroc.
Avec la fermeture de la frontière, le carburant algérien se trouvait encore frauduleusement proposé dans l’Oriental marocain, à près de 3 DH/L le gasoil (0,26€) et 4 DH l'essence, voici encore deux mois, contre 8,20 (0,73 €) à 12,24 DH/L (1,09 €) dans le reste du Maroc. Au total, 1,5 milliard de litres de carburant se vend de façon illégale en Tunisie et au Maroc, chaque année, en moyenne, selon le gouvernement algérien.
« Je me trouvais à Berkane, voici deux ans. Sur la route, la circulation a soudain été bloquée par la police pour laisser passer les trafiquants ; pas une ou deux voitures, mais des dizaines roulant à 160km/h ! », se souvient Omar El Fetouaki, ancien responsable de l’importation et de la distribution au ministère de l’Énergie.
3 milliards de dirhams pour les pétroliers marocains
-
Israël se prononce pour la solution à deux États pour régler son conflit avec la Palestine
-
Voltalia investit dans cinq nouvelles centrales solaires au Portugal
-
HOMERe France et l'IECD s'allient pour faciliter l'employabilité des jeunes Libanais
-
Eni acquiert les activités de BP en Algérie
-
Abdoulaye Bathily devient le nouvel envoyé spécial du secrétaire général de l'Onu en Libye
Pour les distributeurs marocains de produits pétroliers, l’opération coup de poing de l’Algérie demeure une véritable aubaine. « Nous constatons une reprise d’activité des stations essences marocaines dans tout l’Oriental. Cela signifie la création d’emplois pour une cinquantaine de stations rouvertes », affirme Adil Ziadi, président du Groupement des Pétroliers Marocains (GPM). Pour les pompistes, cela signifie « 3 milliards de dirhams (268 M€) de chiffre d’affaires en plus », estime-t-il.
Au Maroc, la réduction de la contrebande régularise le marché du carburant dans l’Oriental. « La contrebande a toujours eu tendance à déstabiliser l’économie marocaine. Elle est une forme d’argent facile, sans taxe, sans impôts, sans contrôle et ouvre la voie à d’autres trafics », assure Omar El Fetouaki. « Ce coup de frein se fait au profit du royaume, en termes d’emplois, de taxes, d’impôts... », estime également Adil Ziadi.
Des rentrées supplémentaires dans les caisses de l’État, mais aussi plus de sorties, car, tout ce que les Marocains importaient frauduleusement ne passait pas par la caisse de compensation, contrairement aux carburants légalement vendus à la pompe dans le reste du pays. À présent, aussi longtemps que la répression algérienne étouffera efficacement la contrebande, l’État marocain devra payer la différence entre le prix national fixé et son prix sur les marchés internationaux par le biais de la caisse de compensation.
« Auparavant, l’Algérie payait pour nous en quelque sorte », reconnaît Adil Ziadi. Ce que le Maroc devra acheter en plus sur les marchés internationaux, voilà autant que l’Algérie ne dépensera pas, alors qu’elle se trouve déjà contrainte d’importer de plus en plus de carburant puisque ses capacités de raffinages plafonnent pendant que la demande nationale explose.

Le trafic reprendra
Si le solde entrées/sorties n’est pas évident à déterminer au niveau national, il reste visiblement négatif au niveau régional. « Des milliers de personnes vivent de ce trafic dans la région de l’Oriental, déjà économiquement sinistrée », estime Abderrahim Kader, chercheur associé à l’IRIS et spécialiste du Maghreb. « Cette répression soudaine du trafic de carburant permet à l’Algérie de mettre la pression, une nouvelle fois, sur le Maroc et l’Oriental en paiera les frais », explique-t-il.
Piquer le Maroc en touchant l’Oriental n’ira cependant pas sans conséquence pour la région mitoyenne algérienne de Tlemcen qui vit elle aussi en partie de la contrebande transfrontalière. S’ajoutent également les effets à la pompe des mesures coercitives prises par les autorités algériennes pour mettre fin au trafic. Dans l’Oriental, les prix bondissent. Du côté de Tlemcen, les quotas imposés aux distributeurs, obligés de ne vendre que pour 500 DA (4,64 €) de carburant, provoquent de longues files d'attentes devant les stations essence.
Pour Omar El Fetouaki les conséquences sociales de la fin du trafic de carburant ne seront pas désastreuses, car d’autres, tout aussi importants perdurent. « La suspension de la contrebande de carburant ne peut pas constituer des dommages importants par rapport au trafic de produits manufacturés et agricoles qui sont également très nombreux », estime-t-il
Enfin, inutile de s’alarmer, car le trafic ne demeurera pas longtemps jugulé, selon lui. « Ça va revenir, c’est sûr et certain. Ceux qui en profitent réellement sont de grands barons du trafic tant Algériens que Marocains et croyez-moi ils s’entendent très bien ! », assure-t-il.
Au niveau national, les deux États partagent un intérêt commun à la poursuite de la contrebande. Elle assure des revenus aux habitants de l’Oriental et de la région de Tlemcen. « Ainsi les gouvernements n’ont pas à se préoccuper d’intégrer ces populations au marché du travail », laisse-t-il tomber.