
L'enquête d'econostrum.info : Marseille détricote sa vocation méditerranéenne
Depuis 2012, date à laquelle l'Ocemo s'est substitué à Anima pour coordonner la SEM, le groupe Caisse des Dépôts (CDC), bailleur de l'Ocemo, a décidé de fermer les yeux sur les enveloppes qui n'arrivaient pas. Et a comblé les vides. "Une grave erreur !" commente un responsable d'une des organisations participant à la SEM.
Reste que depuis juillet 2016, des sous-traitants travaillent sur l'événement. Et qu'il faudra bien les payer !
Un administrateur de l'Ocemo confie à econostrum.info que "la différence entre les montants d'engagement d'une année sur l'autre s'élèverait pour la 10e édition de la SEM, à 70 000 €". Pour un écart de "seulement" 40 000 € les années précédentes. Sans compter les 10 000 € consentis en 2015 par l'Union pour la Méditerranée (UpM) qui ne seront pas renouvelés cette année.
Anima a grillé la priorité à l'Ocemo en allant récupérer cette somme auprès de Fathallah Sijilmassi, le secrétaire général de l'UpM, pour une des ses manifestations qui se déroulera durant la SEM. "Oui, l'UpM prend en charge les voyages de dix intervenants pour notre Emea Business Forum, dans la limite de 10 000 €" confirme Emmanuel Noutary, délégué général d'Anima.
Cette escarmouche illustre la lutte que se livrent en coulisses les structures de coopération économiques, alors qu'officiellement elles coopèrent. Ce double discours, cette course à la subvention est suicidaire et produit aujourd'hui ses effets sur la SEM.
La Région n'a pas pris le soin de venir au dernier Conseil d'administration de l'Ocemo le 17 octobre 2016 avec comme ordre du jour justement ses problèmes financiers. La CDC s'était engagée sur la période 2012/2017. Elle ne devrait plus remettre au pot. La Caisse affecte à l'Ocemo depuis sa création un budget de fonctionnement de 2 M€ et y détache deux salariés.
La SEM cherche perfusion d'urgence
Reste à savoir si le siège dévolu au Conseil régional restera encore une fois vide. "Nous n'avons pour l'instant pas de réponse officielle même si on nous a fait savoir que personne ne se déplacerait" avoue notre administrateur de l'Ocemo.
Deux cas se présenteront alors selon notre interlocuteur : "soit la situation n'évolue pas et ce sera la dissolution de l'Ocemo au 31 décembre 2016. Nous terminerons alors avec un déficit d'environ 80 000 € qu'il faudra combler (ndlr : la CDC devrait s'en charger).
Soit, nous prévoyons un atterrissage en douceur jusqu'à la fin de notre mandat le 31 décembre 2017. Ceci permettrait de faire payer à tout le monde les sommes dues à l'Ocemo concernant la Semaine économique de la Méditerranée. Nous mettrions alors en place un groupe de travail pour envisager un Ocemo sans la CDC comme financeur, mais qui pourrait rester membre. L'Ocemo pourrait se recentrer sur le Maghreb et l'Afrique par exemple."
Cette dernière solution permettrait également d'attendre les résultats de la prochaine présidentielle et ainsi d'espérer un changement de cap de la stratégie méditerranéenne. "Il serait dommage de faire couler un bateau mal géré mais qui a une flottabilité sur la Méditerranée" souligne l'administrateur de l'Ocemo.
L'Ocemo a organisé cinq éditions de la Semaine économique de la Méditerranée. Selon nos informations, sur un budget total de 1,35 M€, l'Ocemo en est de sa poche pour 435 000 €. La CDC a toujours comblé les pertes. Elle ne le fera plus.
Selon nos informations, dès la conférence de presse d'ouverture de la SEM, l'Ocemo devrait annoncer qu'il ne coordonnera plus l'événement.
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La tenue de la SEM à la Villa Méditerranée, comme un clin d'oeil à cette fin de règne, a longtemps été incertaine. Une solution B avait même été étudié pour qu'elle déménage au siège du Conseil du département. Pourquoi ? Tout simplement parce que l'Ocemo aurait du, pour la première fois depuis qu'il a en charge cet événement, louer la Villa Méditerranée. Pour un prix non compatible avec ses finances. Finalement, l'intervention du nouveau président de la Région Christian Estrosi aurait permis de revenir à des considérations moins pécuniaires.
La SEM devrait se dérouler dans une climat tendu. Pour l'anecdote, "les buffets seront rationalisés" indique Pierre Massis, délégué général de l'Ocemo, invoquant le problème de financement. Selon nos informations, moins de la moitié des subventions prévues étaient arrivés à l'heure où nous bouclions et donc à quelques jours seulement du début de la SEM. De l'avis de tous, une 11e édition semble donc fortement compromise... Déjà, d'années en années, la durée de la Semaine économique de la Méditerranée est descendue de six à cinq jours jusqu'à n'en proposer plus que trois en 2016.
La 11e édition de la SEM fortement compromise
"J'ai été Consul général de France à Barcelone. Je suis frappé par les capacités de Marseille et de son territoire à devenir un grand centre de référence de rayonnement en Méditerranée. Après il faut en avoir la volonté et ça, c'est autre chose..." commente Bernard Valéro. Surpris par la situation qu'il découvre depuis sa nomination voici un an, le directeur de l'Avitem a du mal à comprendre. "Ce sont des gens venus de l'extérieur qui disent aux gens d'ici : c'est génial, vous avez un potentiel extraordinaire. Alors qu'à Barcelone ce sont les Barcelonais qui vous disent nous sommes les meilleurs. Je ne peux pas m'y résigner et j'y vois même parfois un complexe d'infériorité par rapport aux Barcelonais. Alors que non, nous pouvons faire mieux qu'eux."
Le 4 novembre 2016 se déroulera au Centre universitaire méditerranéen (CUM) de Nice, le congrès d'EuroMed, le réseau des grandes villes du pourtour méditerranéen, dont le siège se trouve depuis juin 2013 à Nice. Le 4 novembre se trouve au coeur de l'agenda de la Semaine économique de la Méditerranée. Et qui préside le Réseau des villes Euromed depuis 2012 ? La ville de Nice, si chère à Christian Estrosi, le président de la Région Paca. Il filera ce jour là sur la Côte d'Azur pour y assister. Non content de lâcher la SEM, il entraînera dans son sillage, la plupart des élus méditerranéens et siphonnera ainsi l'auditorium de la Villa Méditerranée de son public.
Encore un coup dur, sinon un coup bas.
Lire aussi : Marseille détricote sa vocation méditerranéenne 1ère partie : Les villas de la discorde
Marseille détricote sa vocation méditerranéenne 2e partie : L'écosystème marseillo-méditerranéen explose
Marseille détricote sa vocation méditerranéenne 3e partie : Une once d'espoir mais peu d'élus
DROIT DE REPONSE
Suite à cet article, l'association Anima Investment Network a souhaité la publication de ce droit de réponse :
« Votre article sous-entend qu’ANIMA a délibérément œuvré auprès de l’UpM pour affaiblir la Semaine Economique de la Méditerranée ou l’OCEMO. Ce n’est pas le cas. L’UpM a labellisé deux projets menés par ANIMA, dont le projet EUROMED Invest dans le cadre duquel notre EMEA Business Forum était organisé. Il nous a donc semblé naturel de nous tourner vers l’UpM lors de la recherche de partenaire pour ce forum et pour les festivités du 10ème anniversaire d’ANIMA. A aucun moment nous n’avons abordé leur partenariat avec la SEM dans nos échanges avec l’UpM, ni la possibilité d’un éventuel arbitrage de subvention. »