
Depuis 1991, la Minurso est chargée de s'assurer des bonnes conditions pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental (photo: Minurso)
ESPAGNE / MAROC. "L'Espagne considère l'initiative marocaine d'autonomie, présentée en 2007, comme la base la plus sérieuse, réaliste et crédible pour la résolution du différent". Ce message de Pedro Sanchez, président du gouvernement espagnol, envoyé vendredi 18 mars 2022 au roi du Maroc, Mohammed VI, rabat les cartes sur l'avenir du statut du Sahara occidental.
José Manuel Albares, ministre espagnol des Affaires étrangères, est attendu au Maroc le 2 avril 2022 pour une visite officielle et Pedro Sanchez devrait aussi faire le déplacement quelques semaines plus tard.
Ce renversement de position, avec l'abandon de la neutralité qui guidait depuis quarante-six ans la politique espagnole, marque un véritable changement dans les relations entre les deux royaumes. Elles se trouvent historiquement perturbées (voir encadré ci-dessous) par la question de l'avenir de ce territoire de 266 000 km² et 654 000 habitants, ancienne colonie espagnole, contrôlé à 80% par le Maroc. Les 20% restants le sont par la République arabe sahraouie démocratique (RASD) auto-proclamée en 1976 par le Front Polisario, son bras armé.
José Manuel Albares, ministre espagnol des Affaires étrangères, est attendu au Maroc le 2 avril 2022 pour une visite officielle et Pedro Sanchez devrait aussi faire le déplacement quelques semaines plus tard.
Ce renversement de position, avec l'abandon de la neutralité qui guidait depuis quarante-six ans la politique espagnole, marque un véritable changement dans les relations entre les deux royaumes. Elles se trouvent historiquement perturbées (voir encadré ci-dessous) par la question de l'avenir de ce territoire de 266 000 km² et 654 000 habitants, ancienne colonie espagnole, contrôlé à 80% par le Maroc. Les 20% restants le sont par la République arabe sahraouie démocratique (RASD) auto-proclamée en 1976 par le Front Polisario, son bras armé.
La question des flux migratoires au centre du rapprochement
Sur ce dossier, le Maroc utilise de façon récurrente comme moyen de pression, vis-à-vis de l'Espagne, l'arrivée massive de migrants via les deux enclaves espagnoles de Ceuta (mai 2021) - après l'accueil de Brahim Ghali, chef du Front Polisario, atteint par la Covid-19, par un hôpital espagnol - et, encore très récemment de Melilla. Il est clair que le sort de ces deux villes autonomes entrera dans la future convention de rapprochement. Autres points d'achoppement susceptibles de s'amoindrir, le désaccord sur la délimitation des zones économiques exclusives aux Canaries et la suspension des liaisons maritimes régulières entre les deux pays via le détroit de Gibraltar.
José Manuel Albares dit "aborder cette nouvelle période avec la détermination de relever ensemble les défis communs : en particulier, nous voulons renforcer la coopération dans la gestion des flux migratoires en Méditerranée et dans l'Atlantique en agissant dans un esprit de pleine coopération." Pour Pedro Sanchez, "Les deux pays sont unis inextricablement par des affections, une histoire, une géographie, des intérêts et une amitié partagée." Son ministre des Affaires étrangères dit "envisager une feuille de route claire et ambitieuse afin d'inscrire, durablement, le partenariat bilatéral."
José Manuel Albares dit "aborder cette nouvelle période avec la détermination de relever ensemble les défis communs : en particulier, nous voulons renforcer la coopération dans la gestion des flux migratoires en Méditerranée et dans l'Atlantique en agissant dans un esprit de pleine coopération." Pour Pedro Sanchez, "Les deux pays sont unis inextricablement par des affections, une histoire, une géographie, des intérêts et une amitié partagée." Son ministre des Affaires étrangères dit "envisager une feuille de route claire et ambitieuse afin d'inscrire, durablement, le partenariat bilatéral."
L'Espagne en porte-à-faux par rapport à l'Onu
Madrid rejoint la position américaine de reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, adoptée, en décembre 2020, avec comme contre-partie le rétablissement des relations politiques entre le Maroc et Israël.
En revanche, l'Espagne vient couper l'herbe sous le pied de l'ONU qui tente de relancer les négociations autour de ce dossier. Le Sahara occidental se trouve sur la liste des territoires non autonomes de l'institution. Un statut déjà défini quand il était encore une colonie espagnole (et à la demande de Rabat !). Elle prône une solution négociée entre le Maroc et le Front Polisario. Même si Pedro Sanchez salue dans son message à Mohammed VI "les efforts sérieux et crédibles du Maroc dans le cadre des Nations unies pour trouver une solution acceptable".
En janvier 2022, António Guterres fixait les cinq priorités de l'Onu et le Sahara occidental y figurait. Pour le Secrétaire général des Nations unies, "dans une région du monde où nous voyons des problèmes de sécurité extrêmement graves, où nous voyons le terrorisme se multiplier dans le Sahel et de plus en plus près des côtes, il est dans l'intérêt de tous de résoudre une fois pour toutes ce problème du Sahara occidental." Il ajoutait, "j'ai bon espoir que le processus politique reprenne à nouveau (...) Il est temps pour les parties de comprendre la nécessité d'un dialogue, de chercher une solution et pas seulement de maintenir un processus sans fin, sans espoir de résolution."
En revanche, l'Espagne vient couper l'herbe sous le pied de l'ONU qui tente de relancer les négociations autour de ce dossier. Le Sahara occidental se trouve sur la liste des territoires non autonomes de l'institution. Un statut déjà défini quand il était encore une colonie espagnole (et à la demande de Rabat !). Elle prône une solution négociée entre le Maroc et le Front Polisario. Même si Pedro Sanchez salue dans son message à Mohammed VI "les efforts sérieux et crédibles du Maroc dans le cadre des Nations unies pour trouver une solution acceptable".
En janvier 2022, António Guterres fixait les cinq priorités de l'Onu et le Sahara occidental y figurait. Pour le Secrétaire général des Nations unies, "dans une région du monde où nous voyons des problèmes de sécurité extrêmement graves, où nous voyons le terrorisme se multiplier dans le Sahel et de plus en plus près des côtes, il est dans l'intérêt de tous de résoudre une fois pour toutes ce problème du Sahara occidental." Il ajoutait, "j'ai bon espoir que le processus politique reprenne à nouveau (...) Il est temps pour les parties de comprendre la nécessité d'un dialogue, de chercher une solution et pas seulement de maintenir un processus sans fin, sans espoir de résolution."
Une autonomie sous souveraineté marocaine
Le plan d'autonomie, plus précisément l"initiative marocaine pour la négociation d'un statut d'autonomie pour la région du Sahara", a été dévoilé le 11 avril 2007 à New York par El Mostapha Sahel, ambassadeur représentant permanent du Maroc auprès des Nations unies, au Secrétaire général de l'Onu de l'époque, Ban ki-Moon. Il prévoit pour la Région autonome du Sahara (RAS) un gouvernement investi par le Roi, mais préalablement élu par le Parlement de la Région (assemblée locale). Cet exécutif et ce législatif bénéficieront de compétences exclusives, notamment en matière fiscale pour financer le développement de la RAS, mais resteront donc sous souveraineté marocaine (drapeau, monnaie...). Le Sahara occidental recèle de ressources, notamment halieutiques, mais aussi de gisements de phosphate et de minerais rares non encore exploités, voire de pétrole. Sans parler du potentiel en éolien et en solaire. Le projet de texte recense les revenus de l'exploitation des ressources naturelles qui seront affectées à la RAS, ceux qui iront à l'État et les revenus du patrimoine de la Région.
Le Royaume chérifien conservera ses compétences dans les domaines régaliens, comme la défense, les relations extérieures (même si l'État s'engage à consulter la RAS sur les questions concernant la région) et les attributions constitutionnelles et religieuses du Roi.
Le Front Polisario réclame lui un référendum d'autodétermination. Depuis 1988, le Maroc et le Front Polisario, sous l'égide de l'Onu, se sont mis d'accord pour en organiser un. Il devait avoir lieu en 1992, un an après le cessez-le-feu. Crée en 1991, la Minurso (Mission des Nations unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental) est toujours chargée de l'encadrer. Mais, faute d'accord entre les deux parties, notamment sur la composition du corps électoral, le mandat de cette opération de maintien de la paix est depuis renouvelé chaque année. Il court actuellement jusqu'au 31 octobre 2022.
Le Royaume chérifien conservera ses compétences dans les domaines régaliens, comme la défense, les relations extérieures (même si l'État s'engage à consulter la RAS sur les questions concernant la région) et les attributions constitutionnelles et religieuses du Roi.
Le Front Polisario réclame lui un référendum d'autodétermination. Depuis 1988, le Maroc et le Front Polisario, sous l'égide de l'Onu, se sont mis d'accord pour en organiser un. Il devait avoir lieu en 1992, un an après le cessez-le-feu. Crée en 1991, la Minurso (Mission des Nations unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental) est toujours chargée de l'encadrer. Mais, faute d'accord entre les deux parties, notamment sur la composition du corps électoral, le mandat de cette opération de maintien de la paix est depuis renouvelé chaque année. Il court actuellement jusqu'au 31 octobre 2022.
Déplacement des tensions vers l'Algérie
Si cette nouvelle position de l'Espagne vient clore la crise diplomatique, à son apogée depuis un an, entre l'Espagne et le Maroc, elle ne fait que se déplacer vers l'Algérie. Alger soutient non seulement historiquement le Front Polisario, le mouvement indépendantiste du Sahara occidental, mais a rompu toute relations diplomatiques avec le Maroc depuis août 2021.
C'est donc peu de dire qu'elle n'a pas du tout apprécié que Madrid change de camp, qualifiant cette attitude de "deuxième trahison" pour le peuple sahraoui, après l'accord de partition du Sahara occidental signé à Madrid en1975. Le pouvoir algérien a d'ailleurs tout de suite réagi, samedi 19 mars 2022, en rappelant son ambassadeur à Madrid pour consultation, "avec effet immédiat". Et ceci est loin d'être anecdotique, surtout dans la période actuelle.
L'Algérie est en effet l'un des principaux fournisseurs de gaz de l'Espagne. Ses livraisons représentent 45% des importations de ce pays. Le gouvernement algérien a montré qu'il s'avait aussi utiliser cette arme dans sa diplomatie. Fin octobre 2021, il ne reconduisait pas le contrat du Gazoduc Maghreb-Europe (GME) permettant au Maroc, depuis 1996, en échange d'un passage par son pays, de le puiser pour son usage domestique. Et fermait ses vannes. Aujourd'hui, l'Espagne, comme le Portugal, reçoit son gaz depuis le gazoduc sous-marin Medgaz, opérationnel depuis 2011 mais pas loin de la saturation, ainsi que par voie maritime pour le gaz naturel liquéfié.
Quant au Front Polisario, par la voix de son représentant en Espagne Abdulah Arabi, il parle d'un revirement "hypocrite" et accuse le gouvernement espagnol d'avoir "cédé à la pression et au chantage". Selon lui, "c'est une position qui ne correspond pas à la responsabilité politique et juridique de l'Espagne et qui conditionnera son rôle dans la résolution du conflit".
C'est donc peu de dire qu'elle n'a pas du tout apprécié que Madrid change de camp, qualifiant cette attitude de "deuxième trahison" pour le peuple sahraoui, après l'accord de partition du Sahara occidental signé à Madrid en1975. Le pouvoir algérien a d'ailleurs tout de suite réagi, samedi 19 mars 2022, en rappelant son ambassadeur à Madrid pour consultation, "avec effet immédiat". Et ceci est loin d'être anecdotique, surtout dans la période actuelle.
L'Algérie est en effet l'un des principaux fournisseurs de gaz de l'Espagne. Ses livraisons représentent 45% des importations de ce pays. Le gouvernement algérien a montré qu'il s'avait aussi utiliser cette arme dans sa diplomatie. Fin octobre 2021, il ne reconduisait pas le contrat du Gazoduc Maghreb-Europe (GME) permettant au Maroc, depuis 1996, en échange d'un passage par son pays, de le puiser pour son usage domestique. Et fermait ses vannes. Aujourd'hui, l'Espagne, comme le Portugal, reçoit son gaz depuis le gazoduc sous-marin Medgaz, opérationnel depuis 2011 mais pas loin de la saturation, ainsi que par voie maritime pour le gaz naturel liquéfié.
Quant au Front Polisario, par la voix de son représentant en Espagne Abdulah Arabi, il parle d'un revirement "hypocrite" et accuse le gouvernement espagnol d'avoir "cédé à la pression et au chantage". Selon lui, "c'est une position qui ne correspond pas à la responsabilité politique et juridique de l'Espagne et qui conditionnera son rôle dans la résolution du conflit".
L'histoire du Sahara occidental en quelques dates repères
1884 : Le Sahara occidental devient une colonie espagnole 1912 : Début du Protectorat français au Maroc et du sous-protectorat espagnol au Maroc au Nord du pays et dans les territoires sahariens de Tarfaya et du Rio de Oro 1956 : Proclamation de l'indépendance du Maroc et fin du Protectorat espagnol sur le nord du pays 1958 : Cession au Maroc par les Espagnols du territoire de Tarfaya puis création du Sahara espagnol (avec Rio de Oro et Saguia el-Hamra) 1963 : Guerre des Sables entre le Maroc et l'Algérie à la suite d'incidents frontaliers 1964 : Cessez-le-feu 1969 : Cession par les Espagnols de l'enclave d'Ifni 1975 : L'Espagne cesse son protectorat au Maroc, qu'elle exerçait avec la France 1976 : Autoproclamation de la République arabe saharaouie démocratique (RASD) par le Front Polisario Mars 1976 : Reconnaissance de la RASD par l'Algérie 1991 : Cessez-le-feu prononcé sous égide des Nations unies avec une pseudo-frontière définie. 2007 : Le Maroc propose un plan de "large autonomie", refusé par le Front Polisario |
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