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Les cures d'austérité produisent de piètres résultats


Rédigé par , le Lundi 24 Juin 2013 - Lu 2355 fois

Les politiques d'austérité conduites dans tous les pays du sud de l'Europe satisfont les marchés financiers et parfois réduisent les déficits publics, mais en sacrifiant la croissance, en faisant exploser la pauvreté et en alourdissant le ratio dette/PIB.


Drapeaux Europe du sud (photo F.Dubessy)
Drapeaux Europe du sud (photo F.Dubessy)
Dans l’Union européenne des 27, le déficit public avoisine en 2012 les 4% du PIB. Les pays du sud de l'Europe enregistrent tous, malgré une amélioration depuis 2008, un déficit supérieur à 3%. L'Espagne (-10,6%) et la Grèce (-10,0%) atteignent des sommets en la matière et le Portugal pourrait voir son déficit public atteindre 10% au premier trimestre 2013 suite à l’injection de fonds publics dans la banque Banif. Seule l'Italie devrait sortir de la procédure pour déficit excessif et sa balance structurelle pourrait atteindre un quasi-équilibre en 2013.

Si les politiques d’austérité mises en place en Europe du Sud ont permis globalement de réduire les déficits publics, les ratios dette/PIB se détériorent. En effet, les gouvernements présentent tous des budgets en déficit alors que les PIB diminuent pour cause de récession. Tous les pays du sud affichent une dette publique supérieur à 60% du PIB, avec comme cancres de la classe la Grèce (156,9%), l’Italie (127,0%) et le Portugal (123,6%).

À l'image de Paul Krugman, beaucoup d'économistes estiment que « l'austérité est un échec, même sur les points qu'elle était censée corriger comme les ratios de dette / PIB qui ont empiré au lieu de s'améliorer ». Car les recettes budgétaires se sont taries. « Les pays du sud peinent dans leur ensemble à récolter suffisamment de revenus suite à la baisse d’activité, à l’incapacité des ménages à payer leurs impôts, à l’évasion fiscale qui persiste chez certains… Ainsi, par rapport à 2008, la baisse des recettes va de -1% au Portugal à -16.8% en Grèce » explique Constantin Tsakas, économiste au Femise.

L’austérité a tué dans l’œuf la reprise économique des pays meurtris par la crise financière de 2008. Même le président de la Commission européenne (CE), José Manuel Barroso, reconnaissait en avril 2013 que cette politique avait "atteint ses limites". Les prévisions de 2014 s’avèrent encourageantes s’agissant du taux de croissance. Le gouvernement espagnol prévoit ainsi de sortir de la récession fin 2013. Le FMI annonce un léger mieux en Grèce pour l'année prochaine. Mais quel crédit leur accorder compte tenu du différentiel constaté entre les prévisions 2013 et la réalité ?


Taux de croissance du PIB réel en volume (variation par rapport à l’année précédente en %). Eurostat

Si l'austérité n'a pas amélioré l'endettement des pays du sud de l'Europe, elle a en revanche fait grimper les taux de chômage. Il atteint, en avril 2013, 17,8% au Portugal, 12% en Italie, 27% en Grèce (en février 2013 contre 9,5% en 2009), 26,8% en Espagne (contre 18% en 2009)... Et encore ces taux minorent la réalité, car les gouvernements ont tous mis en place des batteries de mesures (formations, contrats aidés, radiations, etc.) pour faire sortir des statistiques le maximum de sans-emplois. Les jeunes sont les premières victimes du chômage. 56,4% d'entre eux n'ont pas d'emplois en Espagne, 62,5% en Grèce.


Taux de chômage. Eurostat

Les revenus des ménages baissent considérablement. Entre 2008 et 2013, le PIB par habitant a chuté de 7,5% en Espagne et au Portugal, de 9,3% en Italie, de 23% en Grèce. Ces moyennes cachent des disparités considérables, car la crise ne frappe pas de la même façon toutes les couches de la population.

La pauvreté se développe. En Espagne, selon l'Institut national de la statistique, plus de 21% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Ce taux atteint 20,1% en Grèce, 18,2% en Italie, 13,5% en France et près de18% au Portugal. Chaque jour, 100 personnes quittent le Portugal et le solde migratoire est négatif depuis 2011. En Espagne, le solde migratoire 2012 est de – 137 628 personnes. Presque 1 million de personnes ont quitté le pays depuis janvier 2011. Un record.

Balances commerciales déficitaires

L'austérité aurait logiquement dû produire un effet bénéfique sur les balances commerciales. Mais la baisse de la consommation touchant tous les marchés, il n'en est rien. En Europe du Sud, tous les pays importent plus qu'ils n'exportent, et ce depuis 2008. Seule l'Italie fait exception, en passant d'un déficit commercial de 25,5 mrds€ en 2011, à un excédent d'environ 11 mrds€ en 2012. Le déficit commercial atteint 21,5 mrds€ en Grèce, 81,6 mrds€ en France, 31,8 mrds€ en Espagne et 10,8 mrds€ au Portugal en 2012.

Entre janvier et mars 2013, Rome reste le seul pays a avoir une balance commerciale excédentaire en Europe du Sud (+2,7 mrds€ contre -4 mrds€ sur la même période 2012). Malgré une amélioration par rapport à la même période en 2012, la Grèce (-5,3 mrds€), l'Espagne (-4,7 mrds€), la France (-20,1 mrds€) et le Portugal (-1,9%) n'ont pas encore retrouvé le chemin de l'équilibre. Pour comparaison, la balance commerciale de l'Allemagne sur cette période atteint près de 49,3 mrds€ !


Balance commerciale en M€. L’Allemagne flotte au-dessus de l’Europe du Sud. Eurostat

Des réformes "douloureuses mais nécessaires"

Les politiques d'austérité répondent avant tout à une volonté des gouvernements de montrer aux marchés financiers que leurs pays sont solvables. Car un banquier qui n'a pas confiance ne prête pas, ou alors à des taux extrêmement élevés.

La question de la capacité des emprunteurs à rembourser la dette s’est posée avec acuité à la suite de la crise économique de 2008. Avec comme conséquence immédiate une flambée des taux d'intérêt des emprunts publics pour la Grèce et dans une moindre mesure pour les autres États d'Europe du Sud.

Même si les taux d’emprunt à long terme (sur 10 ans) varient considérablement d’un pays à l’autre, la confiance tend à se rétablir. En Grèce et au Portugal, ces taux passent respectivement de 26,90% à 9,07% et de 11,59% à 5,46% entre mai 2012 et mai 2013. Des taux encore très élevés en comparaison de ceux dont bénéficie la France (2,75% en mai 2012 à 1,87% un an après). En Espagne, le taux d’emprunt à long terme reste élevé, passant de 6,13% à 4,25% en un an et le taux passe, en Italie, de 5,78% en mai 2012 à 3,96% en mai 2013.

Olivier Pastré, professeur d'économie à l'Université de Paris VIII, président de la banque d'affaires IM Bank (Tunis), et membre du Cercle des Économistes, considère que les détracteurs des politiques de rigueur « ont tendance à sous-estimer deux choses : les effets positifs des réformes imposées aux pays d’Europe du Sud et la capacité des pays industriels à redresser leurs économies et à profiter des effets positifs de l’Union européenne. En dépit de leur dureté, les contraintes imposées ne sont pas insurmontables. Nous devons peut-être revoir le rythme d’application, mais sans changer de cap, car il faut que ces pays retrouvent les vertus de la rigueur. Ils ont pris des libertés avec des règles de bons sens qui consistent à ne pas vivre durablement au-dessus de ses moyens, comme un ménage qui ne peut investir ou dépenser plus qu’il ne gagne ». Il estime que des pays industrialisés comme l’Italie, et dans une moindre mesure l’Espagne, redresseront la tête une fois l’orage passé. « Plus le niveau d’industrialisation est élevé, plus aisé sera le retour à la croissance ».


Voir l'avis d'expert de Constantin Tsakas

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