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Le syndicat UGTT engage un bras de fer avec le président tunisien Kaïs Saïed


Rédigé par , le Mardi 24 Mai 2022 - Lu 875 fois

Dix mois après s'être arrogé les pleins pouvoirs, le président tunisien Kaïs Saïed peine à rassembler autour de son projet de nouvelle constitution alors que des élections législatives sont prévues en décembre 2022 et qu'une nouvelle forme de scrutin doit être définie. English version


Nourredine Taboubi et Kaïs Saïed n'ont pas pu s'entendre sur la participation de l'UGTT à la commission consultative (photo: DR)
Nourredine Taboubi et Kaïs Saïed n'ont pas pu s'entendre sur la participation de l'UGTT à la commission consultative (photo: DR)
TUNISIE. Lundi 23 mai 2022, après l'avoir rencontré la veille, Noureddine Tababi, secrétaire général de l'UGTT (Union générale tunisienne du travail), a refusé de participer au dialogue instauré par le Président tunisien Kaïs Saïed dans le cadre de ses consultations pour la réécriture de la constitution.

Le chef de l'État souhaite récolter auprès de la société civile des idées de réformes grâce à une commission nationale consultative pour une nouvelle République. Officialisée vendredi 20 mai 2022, elle comprend trois structures: un comité consultatif des affaires économiques et sociales composé de représentants de l’UGTT, de l’UTICA (Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat), de l’UTAP (Union tunisienne de l'agriculture et de la pêche), de l’UNFT (Union nationale de la femme tunisienne) et de la LTDH (Ligue tunisienne des Droits de l'Homme); un comité consultatif des affaires juridiques (doyens des facultés de droit, des sciences juridiques et politiques); et un comité du dialogue national (membres des deux comités précédents et coordinateur de la commission nationale consultative, le doyen Sadok Belaïd).

Les partis politiques exclus des discussions sur la nouvelle constitution

Si la LTDH a déjà fait savoir qu'elle acceptait d'y participer (à condition d'être aussi présente dans son Comité juridique), la volte-face de l'UGTT met à mal le projet présidentiel de commission nationale consultative pour une nouvelle République. "Nous rejetons tout dialogue formel, hâtif, tardif, dans lequel les rôles sont unilatéralement déterminés, imposés et dont les forces civiles et politiques nationales sont exclues", indiquait Sami Tahri, porte-parole du très puissant syndicat de salariés, revendiquant plus d'un million de membres.

"Nous renouvelons notre adhésion au dialogue comme seul moyen de sortir de la crise complexe que traverse le pays", indique  l'UGTT dans un communiqué publié sur son site lundi 23 mai 2022. Le texte souligne que "la création de la commission consultative nationale d'une nouvelle République n'a pas émané de concertation ou d'accord préalable, n'est pas à la hauteur des aspirations nationales, et ne répond pas aux attentes des forces patriotiques sincères qui ont vu dans l'événement du 25 juillet 2021 une occasion historique de rompre avec une décennie noire et de construire une voie corrective qui fonde une véritable démocratie avec justice sociale".

Kaïs Saïed a en effet précisé, voici quelques jours, que les partis politiques ne pourraient pas jouer un rôle dans l'élaboration de la nouvelle constitution destinée à remplacer celle de janvier 2014. Adoptée trois ans après la révolution de Jasmin et conçue grâce à un débat regroupant les composantes politiques et sociales du pays, elle avait permis à la Tunisie d'entrer dans une nouvelle ère pour effacer plus de deux décennies de dictature sous la présidence de Zine El-Abidine Ben Ali. Mais les divergences politiques n'ont pas permis jusqu'à aujourd'hui d'instaurer une véritable démocratie, comme le prouve l'attitude de Kaïs Saïed s'arrogeant les pleins pouvoirs.

L'UGTT prépare une grève générale

Aujourd'hui, les partis politiques s'érigent contre la volonté du président de les écarter des discussions concernant les principales réformes politiques, comme l'écriture de la nouvelle constitution, mais aussi la définition du nouveau mode de scrutin pour les élections législatives.

En avril 2022, Kaïs Saïed les a promis pour décembre 2022 en réponse à des manifestations dont les slogans "le peuple veut renverser le coup d'État" le visait directement. Il donnait alors des gages de démocratie en leur indiquant "les Tunisiens ont été déçus par l'Assemblée des Représentants du Peuple, mais le prochain Parlement reflètera leur volonté avec sincérité et authenticité, contrairement à ce qui s'est passé lors des décennies écoulées."

Si le président souhaite appeler aux urnes les Tunisiens avant la fin de l'année, l'UGTT les veut très vite dans la rue. Le syndicat prévoit en effet d'organiser, prochainement (aucune date n'a été communiquée), une grève générale pour faire pression sur l'État et obtenir un dialogue national significatif sur les réformes politiques et économiques. Elle concernera principalement les salariés travaillant dans les entreprises et services publics.

Ces manifestations permettraient de prendre le pouls de la population, près d'un an après la décision du président tunisien, le 25 juillet 2021, de prendre les pleins pouvoirs en gelant les activités de l'ARP, levant l'immunité des députés, limogeant son Premier ministre Hichem Mechichi (remplacé fin septembre 2021 par Najla Bouden Rhomdane) et, en prononçant, en février 2022, la dissolution du Conseil supérieur de la magistrature.

Des réformes rejetées mais indispensables

Noureddine Taboubi prône ce qu'il appelle une "troisième voie". Il refuse tout retour à l'avant 25 juillet 2021 (date des pleins pouvoirs présidentiels) - "époque où l'État était dominé par l'échec et où l'État était abusé et transformé en butin", souligne un communiqué du syndicat -, et rejette "tout dialogue non-inclusif et aux résultats préétablis".

La Tunisie se trouve toujours dans l'attente d'un prêt du Fonds monétaire international (FMI), véritable bouée de sauvetage pour un pays en pleine crise économique et sociale, au bord de la faillite. Mais le déblocage de ces 4 mrds$ (3,79 mrds€) ne sera accordé que si le chef de l'État mène d'indispensables réformes. Une tâche d'autant plus ardue que l'UGTT s'est prononcée contre les réductions de dépenses proposées (et exigées par le FMI) tout en réclamant des augmentations de salaires pour les fonctionnaires.

Dans un entretien accordé à France 24, vendredi 20 mai 2022, Samir Saïed affirmait, tout en ne voulant pas "nier les problèmes auxquels nous faisons face actuellement", que "l’économie tunisienne ne risque pas de s’effondrer." Pour le ministre tunisien de l'Économie et de la Planification, "l’implémentation des réformes ne sera pas facile, mais elle n’est pas impossible.




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