Smain Kouadria: Il s'agit d'un accord de séparation négocié à l'amiable avec le groupe ArcelorMittal. Parmi les raisons à l’origine de cette décision, figure d’abord l’incapacité du groupe ArcelorMittal à mobiliser les fonds pour la réhabilitation du complexe d'El Hadjar, de la Tuberie sans soudure et des mines de Boukhadra et Ouenza. Or, cette réhabilitation était contenue dans le pacte des actionnaires d'octobre 2013.
Des causes externes ont également joué. En premier lieu, la faiblesse de la demande de métaux de la part des pays émergents, Chine en tête, confrontés au ralentissement de leurs économies. Le ralentissement de la croissance dans les pays de la zone euro a poussé ArcelorMittal à allumer et éteindre les hauts fourneaux en fonction des cours mondiaux et de différer tous ses investissements à travers le monde.
Du côté des pouvoirs publics algériens, l'accord d'octobre 2013 (NDLR : qui a été préparé en mai 2013 par une équipe d'experts dans le domaine sous la conduite de l'ex-ministre Cherif Rahmani) a permis à la partie algérienne de négocier en position de force en se basant sur les différentes clauses, particulièrement celles liées à la cession des actifs et au bénéfice (NDLR : pendant sept ans et deux ans).
Du point de vue stratégique, l'Algérie a besoin d'assurer une balance devises positive en réduisant sa facture d'importation de produits sidérurgiques qui a atteint 10 mrds$ en 2012. Elle a également besoin de couvrir les besoins domestiques (NDLR : aujourd'hui 80% des besoins d'acier sont importés), ce qui a amené les autorités à reprendre le complexe, la tuberie et les mines dans la perspective de les développer et les pérenniser.
Concernant ArcelorMittal, vous avez parlé de "renationalisation à 100%" , terme que récuse le ministre de l’Industrie et des mines, Abdeslam Bouchouareb, qui évoque une "restructuration de l’actionnariat". S’agit-il d’une simple différence de termes ou d’une différence d’appréhension de cette mesure ?
S.K.: Il s'agit d'une simple différence de termes. Le terme de renationalisation peut nuire à l'image de marque de la multinationale ArcelorMittal et pourrait même affecter la valeur de ses actions en Bourse. C'est ce terme qui a gêné le ministre. Nous dirons donc que c'est une étatisation du complexe, de la tuberie et des mines.
La politique de privatisation a été "un échec total"

S.K.: Le gouvernement a compris, à travers la crise économique et l'effondrement des prix de pétrole, qu'en parallèle du lancement de plusieurs investissements dans les énergies renouvelables, il fallait aller rapidement vers des pôles industriels de classe internationale offrant l'agilité nécessaire dans un environnement économique mouvant.
Quel bilan général tirez-vous de la politique de privatisations entamée au cours des années 1990 et 2000?
S.K.: En deux mots, c'est un échec total : perte de milliers de postes d'emplois et de savoir-faire avéré, retard technologique, transfert illicite de devises, destruction du tissu industriel et fermeture des centres de formation.
Mais, mieux vaut tard que jamais pour que l’Etat récupère toutes les entités économiques privatisées pour les réhabiliter et les intégrer dans le processus de développement industriel pour une éventuelle relance de la croissance et la création d'emplois qualifiés et durables. Nous possédons un atout majeur : le capital humain et des richesses à valoriser. Il suffit de faire confiance au savoir-faire algérien, d’encourager l’investissement privé créateur de richesses et combattre les prédateurs.