Selon les études sur le sujet menées par la Fondation Européenne pour la Formation (ETF), la Tunisie et la Turquie seront les deux premiers pays à subir cette pression, aux alentours de 2030. Pour les autres pays de ces régions méditerranéennes, le pic de la population en âge de travailler s'étalera, selon les États, jusqu'à 2040. Mais l'unanimité est totale sur l'urgence de se préoccuper de la situation. Car le défi se pose d'abord en termes d’éducation, indissociable d'un mot plus à la mode : l'employabilité.
Du niveau d'éducation actuel dépend l'ampleur des tensions de demain. D'où l'importance de l'attention et des efforts concernant cet apprentissage, particulièrement au sud de la Méditerranée, comme l'indique Ummuhan Bardak, directrice de l'ETF : « Évidement, il ne faudrait pas en arriver à faire ce type de choix, mais s'il fallait établir une hiérarchie entre les enseignements « primaire », « secondaire » et « universitaire », la priorité irait au primaire. C'est à ce stade qu'il faut concentrer tous les efforts, parce que c’est au primaire que se jouent deux facteurs fondamentaux directement liés à l'éducation : l'efficacité économique et l'égalité sociale ».
Atteindre l'alphabétisation universelle
« Il s'agit d'un symptôme clair des problèmes liés à la qualité de l'enseignement primaire dans ces pays », conclue l'enquête de la Fondation Européenne pour la Formation : « Par conséquent, il est évident que l'action la plus efficace pour améliorer l'employabilité consiste à atteindre l'alphabétisation universelle par l’intermédiaire de programmes d'alphabétisation et de réinsertion scolaire pour ceux qui décrochent ou quittent prématurément l'école ».
C'est à l'école primaire que se posent les bases de l’éducation, c'est à ce stade que se cristallisent les compétences cognitives et non cognitives qui vont déterminer les fondations du parcours éducatif, et c'est par conséquent à partir de là que l'on va pouvoir le plus efficacement lutter contre l'échec scolaire, donc réduire finalement les coûts de formation. C'est aussi la meilleure façon de lutter contre l'abandon des études.
La quantité au détriment de la qualité

Dans cette population, le taux d'analphabétisme reste sans surprise très élevé, et les femmes en sont les premières victimes. La question se pose elle aussi en terme de moyens consacrés à l'éducation ? « Davantage d'investissements publics seront certes nécessaires », répond la directrice de la Fondation Européenne pour la Formation, « mais ils doivent être employés à meilleur escient, car on a privilégié jusqu'à présent la quantité au détriment de la qualité, avec trop souvent des classes surpeuplées, ce qui constitue un incontestable facteur d'échec ».
Génération sacrifiée
La crise économique à d'abord impacté les plus jeunes en Espagne, car les secteurs d'activités les plus sinistrés sont ceux qui emploient des salariés avec une moindre expérience, selon Jésus Mercader, directeur des programmes de formation et de recherche de la Fondation Sagardoy. À commencer par le secteur du bâtiment et dans une moindre mesure celui du commerce. Des secteurs où la formation professionnelle fait cruellement défaut. Mais il ne faut pas négliger non plus la responsabilité de ces jeunes qui ont délibérément abandonné leurs études au profit d'un bon salaire assuré à l'époque de la flambée immobilière en Espagne. Quelques années après, ces jeunes se retrouvent sans travail et sans formation. Obligés pour une bonne part d'entre eux de s'expatrier pour gagner leur vie.
Le seul bénéfice de ce tableau serait une prise de conscience de l'importance primordiale de l'éducation. Faible consolation, il est vrai, pour une génération qui peut à juste titre -en Espagne, en tout cas- se sentir trahie et abandonnée.