
Pierre Duquesne remet en cause le terme d'Euroméditerranée pour le face à face entre les rives Nord et Sud qu'il suppose (photo : F.Dubessy)
econostrum.info : Lors de votre intervention à la conférence annuelle du Femise à Bruxelles, vous avez indiqué que le terme Euroméditerranée ne reflète pas une réalité ? Qu'entendez-vous par là ?
Pierre Duquesne : Je me suis interrogé sur la notion d'Euroméditerranée qui, à mon avis, dit trop le face à face dans la région et le dit mal. Nous avons l'impression qu'il s'agit de l'Europe face à la Méditerranée. Or, pour tous les pays méditerranéens membres de l'Union européenne, il n'existe pas de face à face. Ils sont à la fois Européens et Méditerranéens. Par ailleurs, du coup, ceci donne une image et fait considéré de plus en plus, comme le montrent certaines interventions dans les organisations internationales, que quand on dit Méditerranée, on ne dit pas Méditerranée mais Afrique du Nord/Moyen-Orient. Quand on suit les ODD (NDLR : Objectifs de développement durable définis par les Nations unies dans l'Agenda 2030) en Méditerranée, on devrait suivre aussi les ODD en Italie, en Espagne et en France et les comparer. Bien entendu, nous sommes des pays développés, mais nous nous apercevrions qu'il existe sans doute plus de points communs que nous pourrions le penser.
Voici pas loin de trente ans que le vocabulaire consacré pour désigner cette région est l'Euroméditerranée mais, personnellement, je trouve que ce terme peut prêter à confusion.
Pierre Duquesne : Je me suis interrogé sur la notion d'Euroméditerranée qui, à mon avis, dit trop le face à face dans la région et le dit mal. Nous avons l'impression qu'il s'agit de l'Europe face à la Méditerranée. Or, pour tous les pays méditerranéens membres de l'Union européenne, il n'existe pas de face à face. Ils sont à la fois Européens et Méditerranéens. Par ailleurs, du coup, ceci donne une image et fait considéré de plus en plus, comme le montrent certaines interventions dans les organisations internationales, que quand on dit Méditerranée, on ne dit pas Méditerranée mais Afrique du Nord/Moyen-Orient. Quand on suit les ODD (NDLR : Objectifs de développement durable définis par les Nations unies dans l'Agenda 2030) en Méditerranée, on devrait suivre aussi les ODD en Italie, en Espagne et en France et les comparer. Bien entendu, nous sommes des pays développés, mais nous nous apercevrions qu'il existe sans doute plus de points communs que nous pourrions le penser.
Voici pas loin de trente ans que le vocabulaire consacré pour désigner cette région est l'Euroméditerranée mais, personnellement, je trouve que ce terme peut prêter à confusion.
Le Dialogue 5+5 assure l'égalité entre les pays des deux rives
Avant que ne soit créée l'Union pour la Méditerranée (UpM), ses concepteurs voulaient l'appeler Union de la Méditerranée, ceci aurait changé sa vocation ?
Pierre Duquesne : Nous parlions même d'Union méditerranéenne au tout départ. Et effectivement, Union méditerranéenne ou Union de la Méditerranée, n'évoquent aucun face à face entre l'Europe et la Méditerranée. Cette organisation rassemble des pays européens, méditerranéens et européens méditerranéens. Mais, ma réflexion, qui n'est pas politique, ne se veut pas du tout un jugement sur l'UpM mais sur notre manière de voir les pays du Sud comme s'ils étaient totalement différents de nous. Nous avons l'impression que chez nous, en Europe, il n'y a eu aucun changement... Pourtant, il est facile de dire, sans citer aucun pays, que la question du populisme, qui ne pouvait se poser voici dix ou quinze ans que dans les Etats d'Afrique du Nord, se pose également désormais dans les pays européens. Sur un autre sujet, nous poussons les pays d'Afrique du Nord à une intégration économique et commerciale avec l'Union européenne, et en même temps, nous allons avoir le Brexit ! Donc, un pays de l'UE qui considère que cette intégration n'est pas nécessaire.
Il s'agit d'une raison de plus pour faire évoluer notre discours, ne pas être dans l'Europe donnant des leçons aux pays d'Afrique du Nord, mais travaillant avec eux. C'est là que le projet du Président de la République française de Sommet des deux rives prend tout son sens. Nous sommes ensemble, nous travaillons ensemble, à égalité. Dans le groupe informel du Dialogue 5+5 cette égalité est visible à l'oeil nu. J'ai fait beaucoup de multilatérales, G7, G20, institutions internationales..., et parfois l'égalité n'est pas réelle contrairement au 5+5. Cette conférence nous la faisons en plus au niveau des Etats et aussi des sociétés civiles. J'appelle cela du multilatéralisme renouvelé.
Pierre Duquesne : Nous parlions même d'Union méditerranéenne au tout départ. Et effectivement, Union méditerranéenne ou Union de la Méditerranée, n'évoquent aucun face à face entre l'Europe et la Méditerranée. Cette organisation rassemble des pays européens, méditerranéens et européens méditerranéens. Mais, ma réflexion, qui n'est pas politique, ne se veut pas du tout un jugement sur l'UpM mais sur notre manière de voir les pays du Sud comme s'ils étaient totalement différents de nous. Nous avons l'impression que chez nous, en Europe, il n'y a eu aucun changement... Pourtant, il est facile de dire, sans citer aucun pays, que la question du populisme, qui ne pouvait se poser voici dix ou quinze ans que dans les Etats d'Afrique du Nord, se pose également désormais dans les pays européens. Sur un autre sujet, nous poussons les pays d'Afrique du Nord à une intégration économique et commerciale avec l'Union européenne, et en même temps, nous allons avoir le Brexit ! Donc, un pays de l'UE qui considère que cette intégration n'est pas nécessaire.
Il s'agit d'une raison de plus pour faire évoluer notre discours, ne pas être dans l'Europe donnant des leçons aux pays d'Afrique du Nord, mais travaillant avec eux. C'est là que le projet du Président de la République française de Sommet des deux rives prend tout son sens. Nous sommes ensemble, nous travaillons ensemble, à égalité. Dans le groupe informel du Dialogue 5+5 cette égalité est visible à l'oeil nu. J'ai fait beaucoup de multilatérales, G7, G20, institutions internationales..., et parfois l'égalité n'est pas réelle contrairement au 5+5. Cette conférence nous la faisons en plus au niveau des Etats et aussi des sociétés civiles. J'appelle cela du multilatéralisme renouvelé.
"Le script n'est pas écrit d'avance"
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Nous sommes à quelques heures de l'ouverture du Sommet des deux rives, quel est votre ressenti après les réunions préparatoires que vous avez suivi, vous et vos collaborateurs ?
Pierre Duquesne : Je sors de la réunion de synthèse qui vient de se dérouler à Tunis. J'en retiens le fait que tout s'est bien passé dans ces forums d'un type nouveau menés par la société civile dans tous les pays du Sud comme du Nord et selon des formats différents. Si je remonte trois mois en arrière, d'aucuns pouvaient avoir des inquiétudes sur ce sujet. Que ce soit en terme de lieu ou de thématique. Nous disposons plutôt d'un trop plein d'idées, de projets et d'initiatives...
Ceci est plutôt une bonne chose non ?
Pierre Duquesne : Oui, mais certains craignaient qu'il n'y aurait que les deux à trois messages habituels. Or, ça va au-delà avec des projets de toute nature, des petits, des grands, donc ceci nous satisfait.
La société civile a vraiment, si je peux dire, pris le pouvoir. Ceci étant manifesté par l'assemblée des 100 personnes qualifiées qui a mené la réunion de Tunis de bout à bout avec la Tunisienne Ouided Bouchamaoui, présidente du comité de pilotage du Forum de la Méditerranée.
Cette approche, totalement nouvelle, ici ou là et pas seulement en Afrique du Nord, a pu susciter des interrogations. J'ai passé mon Automne à faire le tour des pays concernés pour expliquer comment nous voyions les choses. Cette méthode, pour le moment, marche ! Mais, il s'agit d'un processus dont nous ne connaissons pas la fin. Et c'est bien ceci qui peut perturber les Etats.
La rencontre de Marseille, n'est pas une rencontre classique où tout est écrit d'avance.
Il n'y aura donc pas de recommandations distribuées à la presse bien avant la fin du Sommet comme d'habitude ?
Pierre Duquesne : Non ! Il existera effectivement des textes, mais ils seront négociés jusqu'à la dernière minute. A Tunis, les 100 ont rédigé une déclaration. Il se passera des choses à Marseille avec des échanges, de l'interaction. L'objectif n'est pas d'avoir des discours de ministres ou de responsables d'organisations internationales les uns derrière les autres, mais de discuter avec les représentants des 100. Ceci dans une grande réunion internationale. C'est nouveau. Nous l'avons un peu connu, mais en grand format, à la COP21 en France en 2015 avec des milliers de participants.
Il n'existe pas aujourd'hui, et ceci n'est toujours pas compris par tout le monde, de multilatéralisme purement interétatique. C'est fini ! Le Sommet se déroule avec les acteurs intergouvernementaux. Et pas seulement pour prendre gentiment note de ce qu'ils disent, mais bien, je le dis encore une fois, pour leur donner le pouvoir.
Donc, tout se présente bien, vous êtes confiants sur les résultats de ce Sommet des deux rives ?
Pierre Duquesne : Ca se présente plutôt bien, oui !
Il ne s'agira pas d'une énième réunion sur la Méditerranée qui ne débouche sur rien ?
Pierre Duquesne : Je l'espère ! Le script n'est cependant pas écrit d'avance. A la limite, si je vous répondais, par hypothèse, que tout se présente bien, ceci voudrait dire qu'il s'agit d'une réunion classique où l'on sait d'avance qui fait quoi, qui va dire quoi et chacun écoute d'une oreille distraite les discours. Non ! Il peut y avoir des interventions, des uns ou des autres, qui interrogent.
Pierre Duquesne : Je sors de la réunion de synthèse qui vient de se dérouler à Tunis. J'en retiens le fait que tout s'est bien passé dans ces forums d'un type nouveau menés par la société civile dans tous les pays du Sud comme du Nord et selon des formats différents. Si je remonte trois mois en arrière, d'aucuns pouvaient avoir des inquiétudes sur ce sujet. Que ce soit en terme de lieu ou de thématique. Nous disposons plutôt d'un trop plein d'idées, de projets et d'initiatives...
Ceci est plutôt une bonne chose non ?
Pierre Duquesne : Oui, mais certains craignaient qu'il n'y aurait que les deux à trois messages habituels. Or, ça va au-delà avec des projets de toute nature, des petits, des grands, donc ceci nous satisfait.
La société civile a vraiment, si je peux dire, pris le pouvoir. Ceci étant manifesté par l'assemblée des 100 personnes qualifiées qui a mené la réunion de Tunis de bout à bout avec la Tunisienne Ouided Bouchamaoui, présidente du comité de pilotage du Forum de la Méditerranée.
Cette approche, totalement nouvelle, ici ou là et pas seulement en Afrique du Nord, a pu susciter des interrogations. J'ai passé mon Automne à faire le tour des pays concernés pour expliquer comment nous voyions les choses. Cette méthode, pour le moment, marche ! Mais, il s'agit d'un processus dont nous ne connaissons pas la fin. Et c'est bien ceci qui peut perturber les Etats.
La rencontre de Marseille, n'est pas une rencontre classique où tout est écrit d'avance.
Il n'y aura donc pas de recommandations distribuées à la presse bien avant la fin du Sommet comme d'habitude ?
Pierre Duquesne : Non ! Il existera effectivement des textes, mais ils seront négociés jusqu'à la dernière minute. A Tunis, les 100 ont rédigé une déclaration. Il se passera des choses à Marseille avec des échanges, de l'interaction. L'objectif n'est pas d'avoir des discours de ministres ou de responsables d'organisations internationales les uns derrière les autres, mais de discuter avec les représentants des 100. Ceci dans une grande réunion internationale. C'est nouveau. Nous l'avons un peu connu, mais en grand format, à la COP21 en France en 2015 avec des milliers de participants.
Il n'existe pas aujourd'hui, et ceci n'est toujours pas compris par tout le monde, de multilatéralisme purement interétatique. C'est fini ! Le Sommet se déroule avec les acteurs intergouvernementaux. Et pas seulement pour prendre gentiment note de ce qu'ils disent, mais bien, je le dis encore une fois, pour leur donner le pouvoir.
Donc, tout se présente bien, vous êtes confiants sur les résultats de ce Sommet des deux rives ?
Pierre Duquesne : Ca se présente plutôt bien, oui !
Il ne s'agira pas d'une énième réunion sur la Méditerranée qui ne débouche sur rien ?
Pierre Duquesne : Je l'espère ! Le script n'est cependant pas écrit d'avance. A la limite, si je vous répondais, par hypothèse, que tout se présente bien, ceci voudrait dire qu'il s'agit d'une réunion classique où l'on sait d'avance qui fait quoi, qui va dire quoi et chacun écoute d'une oreille distraite les discours. Non ! Il peut y avoir des interventions, des uns ou des autres, qui interrogent.