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Le Président tunisien dissout le Conseil supérieur de la magistrature


Rédigé par , le Lundi 7 Février 2022 - Lu 1009 fois


Le Président tunisien avait reçu en octobre 2021 Youssef Bouzakher, président du CSM (photo: Présidence de la République tunisienne)
Le Président tunisien avait reçu en octobre 2021 Youssef Bouzakher, président du CSM (photo: Présidence de la République tunisienne)
TUNISIE. Après avoir suspendu l'Assemblée des représentants du peuple (assemblée), limogé son Premier ministre (remplacé depuis par Najla Bouden), et s'être arrogé des pouvoirs très étendus, notamment politiques et judiciaires, Kaïs Saïed a décidé, dimanche 6 février 2022, de dissoudre le Conseil supérieur de la magistrature (CSM). "Le CSM appartient au passé", a-t-il déclaré dans une vidéo diffusée en pleine nuit.

Le Président tunisien accuse cet organisme indépendant de supervision judiciaire de se trouver sous l'emprise de la corruption et d'avoir ralenti des procédures, dont les enquêtes concernant les assassinats de militants de la gauche laïque (Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi) intervenus en 2013. En charge de la nomination des juges, le CSM a été mis en place en 2016 et comprend quarante-cinq magistrats dont les deux tiers sont élus par le Parlement et l'autre tiers par ses membres. "Les postes et les nominations se vendent et se font selon les appartenances", dénonce Kaïs Saïed.
Le Chef de l'Etat dit préparer "un décret provisoire" pour réorganiser cette institution.

"Un précédent grave pour la Tunisie"

"Les juges ne resteront pas silencieux", réagit Youssef Bouzaker, président du CSM. Il avait été reçu en octobre 2021 par Kaïs Saïed. Ce dernier lui avait alors indiqué que la lutte contre la corruption exige avant tout la mise en place d'une justice impartiale et indépendante. Le Président de la République se plaignait de la présence de juges "corrompus infiltrés dans les tribunaux" et dénonçait l'inaction du ministère public contre eux. Dans un communiqué, le CSM a rejeté la décision du Président de la République "en l'absence d'un cadre juridique et constitutionnel autorisant" le président à la prononcer. Ses membres parlent d'"atteinte à la Constitution et aux garanties d'indépendance de la justice" et précisent qu'ils "continueront à siéger".

En décembre 2021, des manifestations de partisans de Kaïs Saïed à Tunis réclamaient la dissolution du CSM. Et le 19 janvier 2022, le Président de la République avait supprimé toute une série d'avantages en nature prévus pour les membres de cet organisme, comme le carburant subventionné et des primes pour le logement et le transport.

L'Association des magistrats tunisiens (AMT) a également exprimé, par communiqué, son "ferme rejet de toutes les tentatives de porter atteinte à la magistrature et au Conseil supérieur de la magistrature par le Président de la République, à travers la mobilisation, les menaces et l'incitation à la violence contre les magistrats, le Conseil et ses membres". L'AMT qualifie cette décision de "régression dangereuse et sans précédent par rapport aux acquis constitutionnels et une tentative de subordonner le pouvoir judiciaire à l'exécutif dans un système où le Président de la République cumule tous les pouvoirs entre ses mains".

L'Association tunisienne des jeunes magistrats affirme que Kaïs Saiëd n'a "aucune base légale, ni compétence ou légitimité pour dissoudre le Conseil supérieur de la magistrature, élu parmi les magistrats". Pour la Commission internationale des juristes (ICJ), "tout décret qui aboutirait à une dissolution est illégal et inconstitutionnel (...) Il signifierait la fin de la séparation des pouvoirs en Tunisie".

Selon Imed Khemiri, porte-parole du parti islamiste Ennahdha, "cette décision touche à l'indépendance de la justice (...) c'est un précédent grave que la Tunisie n'a jamais eu à subir, y compris au temps de la dictature" de Zine El Abidine Ben Ali.

Cette nouvelle étape dans la prise de contrôle de l'ensemble des manettes de la Tunisie, débuté le 25 juillet 2021, arrive alors que le Chef de l'Etat continue à prendre ses décisions par décrets et prépare un référendum constitutionnel promis avant les élections législatives qui doivent se dérouler en décembre 2022.




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