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Le Maroc et l'Algérie veulent renouer leurs liens


Rédigé par , le Lundi 22 Août 2016 - Lu 5425 fois

Alors que des murs en béton s'apprêtent à remplacer les barbelés sur la frontière entre les deux pays, le roi du Maroc tend la main à ses voisins Algériens pour renouer le dialogue entre Maroc et Algérie. La question du statut du Sahara occidental envenime ces relations depuis quarante ans.


La frontière entre l'Algérie et le Maroc n'est pas étanche. D'où l'idée de construire un mur en béton (photo DR)
La frontière entre l'Algérie et le Maroc n'est pas étanche. D'où l'idée de construire un mur en béton (photo DR)
MAROC / ALGÉRIE. Lors de son discours à la Nation samedi 20 août 2016, Mohammed VI a souhaité "un engagement et une solidarité sincère" avec son voisin algérien. Le roi du Maroc appelle l'Algérie à "oeuvrer ensemble, avec sincérité et bonne foi, pour servir les causes maghrébines et arabes et pour relever les défis qui se posent au continent africain."

Cet appel du pied tranche singulièrement avec la situation sur le terrain. Côté marocain, un mur métallique de 150 km de long en cours de construction sépare déjà les deux meilleurs ennemis. Voici quelques heures, répondant aux rumeurs, le ministère marocain de l'Intérieur confirmait son début de transformation en mur de béton. Les Algériens, après avoir creusé des tranchées, s'attaquent aussi à la construction d'un mur en béton de 3,5 mètres de haut et sur plusieurs kilomètres (cinq actuellement).

Les frontières communes sont fermées depuis 1994 après les attentats de Marrakech. De cette date à 2004, les ressortissants algériens devaient bénéficier d'un visa pour se rendre au Maroc. Depuis respectivement 2004 et 2005, l'obligation de visa d'entrée au Maroc pour les Algériens et en Algérie pour les Marocains a disparu. Mais, il reste toujours impossible pour un Marocain de se rendre en Algérie par voie terrestre et vice-versa.

Une alliance qui n'a pas résisté aux indépendances

Alger et Rabat étaient pourtant alliés lors des conflits pré-décolonisation. "La résistance marocaine a apporté son soutien matériel et moral à la Révolution algérienne, en butte à une campagne violente engagée à son encontre par les forces coloniales qui entendaient la réduire à néant avant même qu'elle ne fête son premier anniversaire" n'a pas manqué de rappeler Mohammed VI. "Nous aspirons au renouvellement de cet engagement et de cette solidarité sincère qui unit depuis toujours, les peuples algérien et marocain."

Les deux capitales se tournent le dos depuis une quarantaine d'années.

"Un territoire sans eau est inhabitable et sa délimitation superflue" précisait en 1845 le traité Lalla Maghnia signé entre la France et le Maroc pour déterminer les frontières sud entre Algérie et Maroc. En 1912, après la colonisation du Maroc, des limites, variant d'une carte à l'autre, se trouvent cependant définies. Mais, les régions de Tindouf et de Colomb-Béchar, alors sous souveraineté marocaine, deviennent, en 1952, intégrées à l'Algérie française... après la découverte de pétrole et de minerais, notamment du fer et de manganèse.

Le Maroc devenu indépendant en 1956 se dépêche de réclamer ses territoires, et la France accepte, sous condition (exploitation en commun des gisements miniers, interdiction d'abriter des insurgés algériens...), de discuter de leur restitution. Ferhat Abbas, l'homme fort du FLN algérien, signe en juillet 1961 un accord avec Mohammed V pour une négociation sur le sujet dès l'indépendance algérienne acquise. La prise de pouvoir par son rival Ahmed Ben Bella rendra caduque ce texte.

Tout ceci conduira, en octobre 1963, à la "Guerre des Sables" entre les deux pays. Un mois de conflit (Égypte et Cuba soutiennent l'Algérie) pour un cessez-le-feu signé en février 1964 après quelque 350 morts et sans aucun changement territorial. L'Organisation de l'Union Africaine (OUA) instaure une zone démilitarisée sur les 1 000 km de la frontière entre l'Algérie et le Maroc.

Le Sahara occidental au cœur de la brouille

La frontière entre l'Algérie et le Maroc est fermée mais pas étanche (photo DR)
La frontière entre l'Algérie et le Maroc est fermée mais pas étanche (photo DR)
Le 15 juillet 1972, le traité de Rabat, signé entre l'Algérien Houari Boumédiène et le Marocain Hassan II, met fin aux revendications marocaines sur le Sahara algérien. Mais la brouille demeure sur la question du Sahara occidental (266 000 km²). L'ancienne colonie espagnole (1884-1975) se trouve sous administration marocaine depuis 1975. Au grand dam de l'Algérie qui soutient les revendications du Front Polisario.

Le cessez-le-feu proclamé en 1991 devait déboucher sur un référendum d'auto-détermination. La Minurso, force de l'Onu déployée dans le secteur pour s'assurer de l'arrêt des combats mais aussi pour veiller au bon déroulement de cette consultation, attend depuis son organisation. En mars 2016, le Maroc expulsait brièvement ces soldats, en réaction à une déclaration du secrétaire général de l'Onu sur le statut du Sahara occidental. Deux mois avant, le pays cessait tout échange avec les institutions européennes pour contraindre l'Union européenne à annuler une décision de sa Cour de justice abrogeant l'accord agricole et de pêche entre le Maroc et l'UE dans la région du Sahara occidental.

Les autorités marocaines intègrent le Sahara occidental (266 000 hectares et 351 000 habitants) sur ses cartes officielles comme provinces du Sud. En novembre 2014, Mohamed VI indiquait : "Le Sahara occidental restera dans le Maroc jusqu'à la fin des temps."

Sur celles de l'ONU, ce territoire considéré comme non-autonome (sans statut définitif sur le plan juridique) est séparé par une frontière en pointillées. L'Union africaine (ex-OUA), ainsi que soixante-treize Etats  reconnaît depuis 1982 l'autorité du Polisario sur la République Arabe démocratique indépendante du Sahara (RASD). L'Américain Google fait varier les frontières selon le pays de connexion...

En juillet 2016, le roi du Maroc annonçait sa volonté de réintégrer l'Union Africaine (UA), successeur en 2002 de l'Organisation de l'unité africaine (créée dès 1963). Le pays l'avait quitté en 1984 pour faire pression alors que l'organisation proposait un siège à la République arabe sahraouie démocratique. Rabat espère provoquer un nouveau vote favorable à l'expulsion du Polisario. Ce qui est mathématiquement possible puisque seuls dix-sept pays sur les cinquante quatre adhérents à l'UA ont reconnu la RASD. Selon les statuts de l'UA, il suffit de l'accord des 2/3 des membres pour modifier les statuts.

Une détente à géométrie variable

Les diatribes entre les deux pays se multiplient depuis des décennies. Accusations de tirs des gardes-frontières algériens sur un citoyen marocain, d'importation de drogue par les Marocains en Algérie et vice-versa, de contrebande de carburant par les Algériens au Maroc, d'immigration illégale favorisée par le Maroc en Algérie, "mini-guerre" médiatique entre l'Agence marocaine de presse (AMP) et sa consoeur Algérie Presse Service (APS)... Le conflit se trouve alimenté régulièrement par des attaques verbales de part et d'autre.

Si la réconciliation ne semble pas encore à l'ordre du jour, parler d'un réchauffement apparaîtrait également prématuré. Reste qu'il faut bien souligner que, pour la première fois depuis bien longtemps, le Maroc tend la main vers l'Algérie.

En écho au discours du roi du Maroc, Ramtane Lamamra, ministre algérien des Affaires étrangères, a indiqué que le message adressé par Mohammed VI à Abdelaziz Bouteflika à l'occasion du 63e anniversaire de la fête de la révolution et du peuple "montrait clairement" la volonté de l'Algérie de coopérer "dans tous les domaines" avec le Maroc.



Lire le discours intégral de Mohammed VI à l'occasion du 63e anniversaire de la révolution du roi et du peuple




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