econostrum.info : Comment se porte l'économie algérienne aujourd'hui ?
Raouf Boucekkine : Elle se trouve à la croisée des chemins. Nous sommes dans une situation budgétaire extrêmement difficile et elle va le rester encore en 2017. Beaucoup de clignotants sont en rouge mais il existe quand même des mesures de sauvegardes qui ont été prises et des plans de relance sont en cours.
Le tout est d'exécuter cela avec méthode et de sortir par la grande porte. Dans un rapport rendu au premier ministre, je pointe comme socles du décollage : une nouvelle gouvernance économique; l'ajustement des dépenses aux revenus anticipés et la réforme de la politique budgétaire; le financement de l'économie avec une réforme urgente du système bancaire, le développement des marchés financiers et des Partenariats public-privé (PPP) et des partenariats stratégiques Etat à Etat.
Il faut des cibles pluriannuelles et bien chiffrées avec un processus d'évaluation des politiques publiques et de révision ainsi que des contrats programme. Le tout doit être inclusif. Le consensus est obligatoire pour engager des réformes de cette ampleur mais il faut une véritable pédagogie pour créer l'adhésion.
Je reste, pour l'instant, peu favorable à la modification de la règle du 51/49. La période n'est pas propice à la privatisation. Les marchés algériens se trouvent loin de l'efficience donc, il faut que l'Etat continue à jouer son rôle pleinement.
Ma position est semblable sur la convertibilité du dinar. Il faut d'abord améliorer l'accès au financement des entreprises algériennes. La convertibilité du dinar viendra après.
Raouf Boucekkine : Elle se trouve à la croisée des chemins. Nous sommes dans une situation budgétaire extrêmement difficile et elle va le rester encore en 2017. Beaucoup de clignotants sont en rouge mais il existe quand même des mesures de sauvegardes qui ont été prises et des plans de relance sont en cours.
Le tout est d'exécuter cela avec méthode et de sortir par la grande porte. Dans un rapport rendu au premier ministre, je pointe comme socles du décollage : une nouvelle gouvernance économique; l'ajustement des dépenses aux revenus anticipés et la réforme de la politique budgétaire; le financement de l'économie avec une réforme urgente du système bancaire, le développement des marchés financiers et des Partenariats public-privé (PPP) et des partenariats stratégiques Etat à Etat.
Il faut des cibles pluriannuelles et bien chiffrées avec un processus d'évaluation des politiques publiques et de révision ainsi que des contrats programme. Le tout doit être inclusif. Le consensus est obligatoire pour engager des réformes de cette ampleur mais il faut une véritable pédagogie pour créer l'adhésion.
Je reste, pour l'instant, peu favorable à la modification de la règle du 51/49. La période n'est pas propice à la privatisation. Les marchés algériens se trouvent loin de l'efficience donc, il faut que l'Etat continue à jouer son rôle pleinement.
Ma position est semblable sur la convertibilité du dinar. Il faut d'abord améliorer l'accès au financement des entreprises algériennes. La convertibilité du dinar viendra après.
L'insoutenabilité du système rentier politico-économique algérien
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Quid de la rente pétrolière ?
R.B. : Lors du Printemps arabe qui enflamme la Tunisie dès décembre 2010 et menace de se propager en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, des centaines de conflits sociaux et des manifestations éclatent en Algérie. En réponse, le gouvernement algérien décide de maintenir coûte que coûte le consensus social en redistribuant avec une largesse accrue la rente pétrolière.
Les recettes de la fiscalité ordinaire, hors hydrocarbures, ne couvrent plus que 54% des dépenses de fonctionnement du pays en 2010 et moins de 40% en 2011. Le Fonds de régulation des recettes (FRR) est utilisé pour financer les déficits courants. Le prix du baril plonge dévoilant un problème structurel aigu. La double crise, printemps arabe + contre-choc pétrolier, a révélé au grand jour l'insoutenabilité du système rentier politico-économique algérien. Sur le plan économique, le fonctionnement actuel n'est pas viable à terme.
Il existe un seul impératif dans un environnement pétrolier durablement baissier : éliminer au plus vite la mécanique rentière !
Le secteur du BTP soutient l'économie algérienne. Il est financé par la manne pétrolière. La rente pétrolière a nourri à peu près toutes les dérives de l'économie algérienne. Les autorités algériennes savent bien qu'il faut en sortir. Par la force des choses.
R.B. : Lors du Printemps arabe qui enflamme la Tunisie dès décembre 2010 et menace de se propager en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, des centaines de conflits sociaux et des manifestations éclatent en Algérie. En réponse, le gouvernement algérien décide de maintenir coûte que coûte le consensus social en redistribuant avec une largesse accrue la rente pétrolière.
Les recettes de la fiscalité ordinaire, hors hydrocarbures, ne couvrent plus que 54% des dépenses de fonctionnement du pays en 2010 et moins de 40% en 2011. Le Fonds de régulation des recettes (FRR) est utilisé pour financer les déficits courants. Le prix du baril plonge dévoilant un problème structurel aigu. La double crise, printemps arabe + contre-choc pétrolier, a révélé au grand jour l'insoutenabilité du système rentier politico-économique algérien. Sur le plan économique, le fonctionnement actuel n'est pas viable à terme.
Il existe un seul impératif dans un environnement pétrolier durablement baissier : éliminer au plus vite la mécanique rentière !
Le secteur du BTP soutient l'économie algérienne. Il est financé par la manne pétrolière. La rente pétrolière a nourri à peu près toutes les dérives de l'économie algérienne. Les autorités algériennes savent bien qu'il faut en sortir. Par la force des choses.

"Il faut éliminer au plus vite le système rentier (photo F.Dubessy)
Le statu quo ferait exploser les dépenses courantes
L'Algérie va-t-elle donc enfin réussir à sortir du tout pétrole ?
R.B. : Oui, bien entendu. Il s'agit d'une ressource qui se tarit d'elle même, donc c'est peut être notre chance la plus grande. Tout est bien parti pour que tout se termine. Même si je ne peux pas vous dire combien de temps ceci prendra de temps pour mettre en place les réformes nécessaires. Tout dépend des agendas des uns et des autres.
Cette idée du tout pétrole a fait long feu, même au sommet de l'Etat.
Actuellement, un plan de diversification, auquel je participe, se trouve à l'étude au sein du ministère de l'Industrie. Depuis le début des années 80, la part de l'industrie dans le PIB n'a cessé de décliner. De près de 20% à moins de 5% en 2011 ! L'économie algérienne est bien moins diversifiée maintenant qu'elle ne l'était voici trente ans.
Sans même tenir compte de la croissance démographique, le statu-quo ferait exploser les dépenses courantes de 5 600 milliards de dinars algériens en 2016 à près de 9 000 milliards en 2019. Ceci conduirait à un déficit budgétaire supérieur à 20% à partir de 2017. Vu le tarissement du FRR et les liquidité limitées, cette situation obligerait à un recours massif à l'endettement extérieur à partir de 2017.
Pendant cette transition, il faut cependant éviter trois pièges : la sur-exploitation car irrationnel à court terme, la planche à billet, les coupes indiscriminées, notamment sur les équipements et les approvisionnements industriels qui mèneraient, comme en 1986, à un chômage de masse.
Il n'y aura cependant pas de sortie de l'économie rentière sans réformes politiques. La concurrence économique ne peut vraiment fonctionner que s'il existe aussi une concurrence politique.
R.B. : Oui, bien entendu. Il s'agit d'une ressource qui se tarit d'elle même, donc c'est peut être notre chance la plus grande. Tout est bien parti pour que tout se termine. Même si je ne peux pas vous dire combien de temps ceci prendra de temps pour mettre en place les réformes nécessaires. Tout dépend des agendas des uns et des autres.
Cette idée du tout pétrole a fait long feu, même au sommet de l'Etat.
Actuellement, un plan de diversification, auquel je participe, se trouve à l'étude au sein du ministère de l'Industrie. Depuis le début des années 80, la part de l'industrie dans le PIB n'a cessé de décliner. De près de 20% à moins de 5% en 2011 ! L'économie algérienne est bien moins diversifiée maintenant qu'elle ne l'était voici trente ans.
Sans même tenir compte de la croissance démographique, le statu-quo ferait exploser les dépenses courantes de 5 600 milliards de dinars algériens en 2016 à près de 9 000 milliards en 2019. Ceci conduirait à un déficit budgétaire supérieur à 20% à partir de 2017. Vu le tarissement du FRR et les liquidité limitées, cette situation obligerait à un recours massif à l'endettement extérieur à partir de 2017.
Pendant cette transition, il faut cependant éviter trois pièges : la sur-exploitation car irrationnel à court terme, la planche à billet, les coupes indiscriminées, notamment sur les équipements et les approvisionnements industriels qui mèneraient, comme en 1986, à un chômage de masse.
Il n'y aura cependant pas de sortie de l'économie rentière sans réformes politiques. La concurrence économique ne peut vraiment fonctionner que s'il existe aussi une concurrence politique.