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La grève d’ArcelorMittal d’Annaba prend fin


Rédigé par A. Belkessam, à ALGER, le Jeudi 24 Juin 2010 - Lu 2991 fois

ALGERIE. La grève déclenchée le 21 juin 2010 au complexe sidérurgique d’ArcelorMittal d’El Hadjar à Annaba (Est algérien) devrait cesser dans la journée du 24 juin, sur intervention de Abdelmadjid Sidi Saïd, le secrétaire général de l’Union des travailleurs algériens (UGTA).


Lâché par la centrale syndicale, Smain Kouadria démissionne (photo DR)
Lâché par la centrale syndicale, Smain Kouadria démissionne (photo DR)
ALGERIE. Décidé par des milliers de salariés de l’entreprise réunis le 10 juin 2010, le mouvement d’arrêt de travail avait débuté le 21 juin.

Il avait été reconduit le lendemain 22 juin lors d’une assemblée générale de 4 000 à 5 000 travailleurs d’ArcelorMittal d’El Hadjar, réunis au sein du complexe sidérurgique et ce, en dépit d’une double plainte déposée par Vincent Le Gouïc, directeur général de l’usine qui contestait le bien fondé juridique du mouvement.

Un mouvement qui pouvait faire tâche d'huile

Les 6 200 salariés d’ArcelorMittal avaient reçu le soutien de la Fédération nationale des travailleurs de la métallurgie, de la mécanique, de l’électricité et de l’électronique (FNTMMEE) affiliée à l’UGTA.

Leurs collègues des mines de fer de Tébessa avaient même accompagné le mouvement par deux heures de grève, en signe de solidarité.

Des voix syndicales, mais aussi politiques, à l’instar de celle de Louisa Hanoune et du parti des Travailleurs (PT) demandaient de leur côté au Premier ministre de nationaliser le complexe dont ArcelorMittal, en tant qu’actionnaire principal à hauteur de 70%, est propriétaire.

La contre-offensive d’ArcelorMittal

La partie adverse n’était pas en reste puisque la presse algérienne rapportait, sans que cela ne soit infirmé ni confirmé, que le PDG du géant mondial de l’acier, Lakshmi Mittal, était intervenu auprès des autorités du pays pour leur demander de faire cesser la grève.

Une réunion du Conseil d’administration se tenait le 23 juin avec la participation des représentants de l’Etat algérien, actionnaire à 30% du complexe dans le cadre d’un accord de partenariat qui lie les deux parties pour une période de 10 ans à compter de 2001.

Saisi par la direction d’ArcelorMittal, le tribunal d’El Hadjar prononçait un arrêt de la grève, le caractère légal ou non du mouvement devant quant à lui être débattu le 30 juin 2010.

La décision de justice s’appuyait sur le refus inexpliqué de l’Inspection du Travail compétente de délivrer un procès-verbal de non conciliation à la suite de l’échec des pourparlers entre les partenaires sociaux, comme c'est l'usage en Algérie.

Les syndicalistes lâchés par leur centrale

Deux jours après le début du conflit, les deux partenaires campaient sur leurs positions respectives et rien ne laissait présager une fin brusque du mouvement de grève.

C’est la centrale syndicale UGTA qui a fait pencher la balance en faveur de la direction du complexe.

Le secrétaire général de l’UGTA, très proche des pouvoirs publics algériens, a enlevé son soutien à la section syndicale du complexe d’El Hadjar.

C’est Smaïn Kouadria lui-même qui, joint par téléphone, nous l’a confié : « Sidi Said et la centrale nous ont lâché et nous ont notifié l’arrêt de la grève. Ils ont envoyé le courrier au Conseil d’administration et donc à la Direction Générale, laquelle, du coup, refuse de négocier sachant que si les syndicalistes n’acceptent pas la décision de leur tutelle ce sera considéré comme un acte de rébellion. Nous allons annoncer aux travailleurs la reprise ce matin, mais en n’étant pas convaincus. J’ai signé la grève en tant que UGTA, Nous sommes disciplinés et structurés; on lance un appel à la reprise. »

Une suite judiciaire ou l'appaisement ?

La grève devrait donc s’arrêter. Mais que va-t-il se passer après ?

Pour Smaïn Kouadria : « Nous avons des plaintes en cours pour non application d’une décision de justice (arrêt de la grève) et une autre portant sur la légalité de la grève. On nous envoie à la justice pieds et poings liés. La justice a mis la lettre de l’UGTA dans le dossier. On peut s’attendre au pire maintenant. »

La justice et la direction du complexe joueront-elles la carte de l’apaisement?

Profiteront-elles au contraire de leur victoire pour tenter de briser ce partenaire social rebelle qui a organisé trois grèves générales en moins d’une année?

Tiendront-elles compte de la forte mobilisation des salariés du complexe, du port de Annaba et des mines de Tébessa?

Quelle sera l’attitude les autorités algériennes, sachant que ce conflit est autant syndical que politique puisqu’il pose le problème de l’avenir de la sidérurgie algérienne et celui des relations entre les pouvoirs publics et les multinationales?

On ne devrait pas tarder à voir dans quel sens tournera le vent.

D’importantes conséquences sur le plan syndical


Nombre d’observateurs des conflits de travail se demandent si l’UGTA n’a pas, cette fois-ci, brisé la grève de trop.

Elle s’était déjà mise en travers d’une grève à la Société nationale de véhicules industriels (SNVI) dans son bastion traditionnel de la zone industrielle de Rouiba (banlieue Est d’Alger).

De même avait-elle tout fait pour mettre fin au mouvement de grève national qui avait paralysé les chemins de fer algériens il y a quelques semaines.

Contestée fortement par les syndicats autonomes qui l’ont supplanté depuis plusieurs années dans le secteur de la Fonction publique (éducation, santé, administration publique, enseignement supérieur…), la vieille centrale risque de voir ses anciens bastions du secteur industriel et des transports (métallurgie, mécanique, ports…) basculer dans le syndicalisme autonome.

Smaïn Kouadria démissionne et conteste l'UGTA


Smaïn Kouadria a porté de graves accusations en nous déclarant : « Je démissionne et fais porter l’entière responsabilité de ce qui va arriver à Sidi Saïd et à la direction générale d’ArcelorMittal. Le droit de grève a été bafoué par ceux-là même qui sont censés le protéger. Sidi Said a coordonné avec le gouvernement et ils ont fait un deal avec ArcelorMittal pour des raisons que nous ignorons.
La centrale syndicale nous a lâchés au moment où la DG allait céder. Toute une stratégie pour bloquer les négociations et reprendre le travail.
En Algérie, il y a deux bastions du syndicalisme : la zone industrielle de Rouiba et El Hadjar.
Si l’UGTA casse un de ses bastions elle même on est en droit de se poser des questions, beaucoup de questions.
»

Abdelmadjid Sidi Saïd vient-il d’ouvrir un boulevard au syndicalisme autonome en Algérie?

La réponse prendra certainement du temps, mais le mouvement en ce sens semble bel et bien amorcé.


Lire aussi :ArcelorMittal s'engage dans une grève générale illimitée en Algérie
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