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La Villa Méditerranée passe la main à Cosquer Méditerranée


Rédigé par , le Vendredi 29 Avril 2022 - Lu 1471 fois


La Villa Méditerranée était le haut-lieu des grandes manifestations économiques autour des problématiques méditerranéennes (photo: F.Dubessy)
La Villa Méditerranée était le haut-lieu des grandes manifestations économiques autour des problématiques méditerranéennes (photo: F.Dubessy)
FRANCE. Semaines économiques de la Méditerranée, MedCop21, Rencontres de l'Avitem, conférences de l'association Euromed-IHEDN, Méditerranée du futur... la Villa Méditerranée aura été l'écrin de bien des manifestations rassemblant des participants venus de tous les rivages de la mare nostrum. Le 4 juin 2022, les visiteurs pourront de nouveau en franchir le seuil pour découvrir une reconstitution de la grotte Cosquer. Ce nouveau lieu touristique marseillais, dédié à la préhistoire, fait entrer le bâtiment dans une nouvelle ère.

Voulue par Michel Vauzelle, alors président de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur, pour faire un pendant au projet du ministère de la Culture, le Mucem (Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée) - au point d'être baptisée un temps ironiquement la Villa Vauzelle - la Villa Méditerranée s'est d'abord appelée le Centre Régional pour la Méditerranée (CRM). Ce nom n'aura pas survécu. Quelques temps après la pose de la première pierre en décembre 2019, s'est imposé celui de Villa Méditerranée, déjà imaginé au tout début du projet en référence à la Villa Médicis à Rome.

Imaginé par l'architecte milanais Stefano Boeri et entièrement financé par la Région (82 M€), elle est sortie du sol en 2012, quelques mois avant que Marseille ne devienne capitale européenne de la culture de l'année 2013. Mais vivait à l'ombre du Mucem, au sens propre comme au sens figuré. Souvent qualifiée de coquille vide, elle aura pourtant accueilli 155 évènements rassemblant plus de 460 000 personnes durant ses deux premières années d'existence (2013 à 2015).

Le coût de la Villa Méditerranée épinglé par la Chambre régionale des comptes

Après avoir confié, en janvier 2015, sa gestion à un Groupement d'intérêt public placé sous la houlette de l'Agence des villes et territoires méditerranéens durables (Avitem), la Région a repris les clefs en septembre 2017.

L'arrivée d'une nouvelle majorité est en effet venu sonner le glas des ambitions méditerranéennes de la Villa. Dès janvier 2016, Christian Estrosi, président de la Région Provence-Alpes Côte d'Azur, confiait en janvier 2016 à econostrum.info , "ce site a demandé 100 M€ d'investissements et coûte 5 M€ par an en charges de fonctionnement. Déjà, sur les premiers mois de 2016, nous allons réussir à économiser 20% sur le coût de fonctionnement." S'il surestimait les chiffres (82 M€ d'investissement et 4,4 M€ de budget de fonctionnement en 2015), le constat était clair. "Il s'agit d'une très belle architecture, mais répond-t-elle à l'attente réelle des cinq millions d'habitants de la région. Normalement, il revient aux villes de conduire la politique culturelle !" adressait-il face à cet héritage.

En octobre 2017, la Chambre régionale des comptes Provence-Alpes Côte d'Azur (CRC) avait dans un rapport fustigé non seulement le coût, mais la justification même de sa création. "La vocation de cet ouvrage a souffert d'une indétermination qui n'a jamais été levée jusqu'à la dissolution, le 31 décembre 2014, de la régie créée pour en assurer la gestion. La coexistence d’un objectif culturel vouant le bâtiment à être un lieu d’exposition et de rencontres culturelles et d’une vocation institutionnelle, en faisant le siège de la politique de coopération euro-méditerranéenne, n’a pas permis à la collectivité de définir précisément l’orientation de la Villa".

La CRC pointait les charges de fonctionnement et notamment "les poids importants de prestations de service pour assurer la mise en sécurité, la maintenance et l'entretien du bâtiment". Ces tâches représentaient 1,7 M€ de dépenses contre 1 M€ pour les dépenses de personnel, soit près de 48% des charges à caractère général en 2014. Les recettes tirées de l'exploitation du site n'ont atteint au total que 292 152 € sur les deux premières années d'ouverture. Le projet tablait sur des recettes de billetterie de 1,77 M€ à 2,22 M€. Chiffres revus à la baisse en janvier 2013 avec 361 200 € prévus en 2013 et 247 680 € en 2014.

Au moment de la décision de la nouvelle affectation de la Villa Méditerranée, econostrum.info avait d'ailleurs titré, en clin d'oeil, "la Villa Méditerranée transforme son gouffre financier en reproduction de grotte".

Kléber Rossillon emporte l'appel d'offres

Femmes, enfants et hommes ont fait des positifs et des négatifs de leurs mains voici 30 000 ans (photo:F.Dubessy)
Femmes, enfants et hommes ont fait des positifs et des négatifs de leurs mains voici 30 000 ans (photo:F.Dubessy)
Durant sa campagne électorale, Christian Estrosi avait été très critique sur ce bâtiment, parlant même de le mettre en vente. Mais comment trouver un acquéreur à ces 10 000 m² de surface avec un auditorium de 400 places ? Elu en ticket avec Renaud Muselier, il s'est adoucit sur le sujet, mais est resté ferme sur la nécessité de trouver un projet capable de financer son avenir. "Il faut chercher une destination qui lui apporte une vrai valeur ajoutée", déclarait-il. Il lançait donc un appel d'offres fin janvier 2016, qui allait déboucher sur le choix du projet porté par Kléber Rossillon, déjà gestionnaires de douze sites patrimoniaux et touristiques en France et en Belgique dont la Grotte Chauvet 2 (Ardèche), le Château de Murol (Puy-de-Dôme), les Jardins de Marqueyssac (Dordogne), le Château de Langeais (Indre-et-Loire) et le Mémorial de la bataille de Waterloo 1815 (Belgique).

Avant cette affectation, de multiples projets ont été évoqués pour remplir ses murs. L'idée d'un casino de jeux, qui semblait tenir la corde - puisque depuis 2013 il était prévu d'en installer un à côté du Mucem et de la Villa Méditerranée - a du être évacuée car le porte-à-faux de quarante mètres de long de la villa ne pouvait pas accueillir plus de 300 personnes (impossible de reléguer les joueurs dans le sous-sol sans vue sur la mer). Michel Vauzelle poussait alors un grand ouf de soulagement, lui qui parlait de cette perspective comme d'"une injure faite au souci de dignité des Marseillais."

L'ancien président de la Région, avait tenté de persuader l'Assemblée parlementaire de la Méditerranée (APM), de transférer son secrétariat de Malte à Marseille pour contrecarrer le projet de reconstitution de la grotte Cosquer déjà décidé par Christian Estrosi. Mais sans y parvenir même s'il n'aura manqué que quelques voix lors du vote sur le sujet.

24 M€ d'investissement

Frédéric Prades, directeur de Cosquer Méditerranée, se réjouit que ces oeuvres puissent être vues par le grand public (photo: F.Dubessy)
Frédéric Prades, directeur de Cosquer Méditerranée, se réjouit que ces oeuvres puissent être vues par le grand public (photo: F.Dubessy)
Dans un mois, le bâtiment, véritable geste architectural, pourra s'écrier "ne m'appelez plus jamais Villa Méditerranée, la Méditerranée m'a laissé tomber". Enfin, pas tout à fait, car la mare nostrum sera bien présente, non seulement à quelques pas de là mais aussi à l'intérieur.
Le site devenu Cosquer Méditerranée présentera plusieurs scénographies sur 1325 m² (13 animaux préhistoriques, des expositions permanentes, des espaces vidéos...). Et surtout, proposera un voyage dans l'un des quarante-quatre modules d'exploration,  à travers une reconstitution de la grotte Cosquer, découverte en 1985 par le plongeur cassidain Henri Cosquer et classée depuis septembre 1992 au titre des monuments historiques par le ministère français de la Culture.

Ce clou de la visite permettra de voir, quasiment en grandeur réelle, 500 dessins et gravures, dont 200 animaux (chevaux, pingouins, bisons...) et soixante-cinq empreintes de mains (hommes, femmes et même enfants), sur 1750 m² de parois. "La grotte Cosquer est un trésor englouti dans nos calanques que nous ne pouvions pas rendre accessible au public", explique Frédéric Prades, directeur depuis six mois de Cosquer Méditerranée. Les experts soulignent que le site de Cap Morgiou (Cassis, près de Marseille) dont l'entrée se trouve à trente-sept mètres sous l'eau aura disparu à cause de la montée des eaux dans le demi-siècle à venir. Il fallait donc faire vite pour le reproduire à l'aide d'une modélisation en 3D réalisée par scanners pour respecter - et un comité scientifique constitué par l'Etat français et la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur y veille de très près - dans le moindre détail les dessins tracés dans la roche entre 19 000 et 30 000 ans avant notre ère.

Il a fallu pour cela sacrifier le majestueux escaliers hélicoïdal et revoir intégralement les cloisons du sous-sol. Seul rescapé, l'amphithéâtre majestueux de 400 places, qui servira à projeter un film sur l'histoire de la grotte Cosquer. En tout un investissement de 24 M€ (dont 9 M€ abondés par la Région) pour tout transformer.

700 000 visiteurs attendus la première année

La grotte a été reconstituée au moindre détail près (photo: F.Dubessy)
La grotte a été reconstituée au moindre détail près (photo: F.Dubessy)
Cosquer Méditerranée va devenir un nouvel atout dans l'attraction que connaît cette région dont l'activité touristique représente un chiffre d'affaires de 30 mrds€ et apporte 13% du PIB. François de Canson, président du Comité régional de Tourisme et vice-président de la Région, ne s'y trompe pas. ""C'est notre Tour Eiffel à nous. Pas en hauteur, mais en profondeur", indiquait-il jeudi 28 avril 2022 lors d'une présentation de l'avancée des travaux. 

"Nous disposons d'une concession de vingt-cinq ans", précise Jacques Galland, secrétaire général du groupe Kléber Rossillon. L'entreprise devra verser une redevance fixe de 300 000 € par an à la Région, qui reste propriétaire des lieux, et une redevance variable basée sur le nombre d'entrées. "Nous attendons en première année environ 700 000 visiteurs pour une vitesse de croisière les années suivantes de 500 000", dévoile-t-il. Un chiffre très difficile à évaluer cependant. Pour la grotte Chauvet 2, que gère également Kléber Rossillon, le groupe avait estimé le nombre d'entrées à 450 000 en première année et ils avaient été 600 000 à s'y rendre (350 000 par an en moyenne aujourd'hui). Jacques Galland estime que Cosquer Méditerranée (100 salariés pendant les travaux et les premiers mois d'ouverture et 80 à terme) devrait générer entre 7 et 8 M€ de chiffre d'affaires.

Un pingouin, l'un des 200 animaux représentés (photo: F.Dubessy)
Un pingouin, l'un des 200 animaux représentés (photo: F.Dubessy)
De la grotte Cosquer à Cosquer Méditerranée

Il aura fallu près de trente ans entre la découverte de l'entrée de la grotte par Henri Cosquer à proximité de la calanque de la Triperie au Cap Morgiou et la création de sa réplique à Marseille.

1985 : Découverte de l'entrée de la galerie menant à la grotte

1991: Déclaration de la grotte à la DRASSM (Département des recherches archéologiques et subaquatiques et sous-marines)

1992 : Classement de la grotte au titre des monuments historiques

1994: Relevé partiel des volumes par scannage effectués par EDF

1995-2000: Aménagement du site par la DRASSM

2000: La grotte passe sous le contrôle du Service régional de l'archéologie de la DRAC Provence-Alpes-Côte d'Azur

2016: Début des relevés en 3D

2016: Choix par la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur de créer un projet de valorisation du patrimoine de la grotte Cosquer sur le site de la Villa Méditerranée

2018: Convention entre l'Etat et la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur pour un projet de restitution

2019: Signature de la concession de 25 ans en faveur du groupe Kléber Rossillon

4 juin 2022: Ouverture de Cosquer Méditerranée au public




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