
TURQUIE. Depuis le 11 novembre 2012, le quotidien de 56,5 millions de Turcs (76% de la population, soit 30 points de plus) est régi par les métropoles, ces « municipalités métropolitaines » (büyüksehir belediyesi, BB). Sur 81 « provinces », 29 évoluent aujourd'hui sous le label BB. Leurs frontières collent aux limites territoriales des provinces. Sont éligibles à ce statut celles qui totalisent au moins 750 000 habitants.
L'adoption de cette loi a suscité de houleux débats. L'AKP (Parti du développement et de la Justice), parti dont le chef, Recep Tayyip Erdogan, gouverne le pays depuis 2002, insiste sur les atouts économiques. Les BB héritent de compétences alors réservées aux seules municipalités (la planification territoriale, le transport intramuros ou la gestion de l'eau). Elles voient ainsi leur budget gonfler.
Discipliner la planification

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C'est bien sûr aussi un moyen de superviser l'application du programme de renouvellement urbain, comme de la politique économique en vigueur. Pour Melih Ersoy, directeur du département de Planification urbaine et régionale à Middle East Technical University, « la discipline dans la planification au niveau provincial » est plutôt un point positif.
Mais les effets collatéraux demeurent bien plus intéressants. 1 581 municipalités sur 2 947, pour beaucoup aux mains d'autres partis que l'AKP, ont disparu pour être reléguées au statut de « quartiers » ou « villages ». Les élections locales ont lieu en mars 2014. L'opposition parle de « charcutage électoral » (en turc).
D'autant que le parti au pouvoir a depuis longtemps plongé ses racines électorales dans les zones rurales. S'assurer un maillage électoral acquis à sa cause et gagner en capital sympathie semblent faire partie des ambitions d'Erdogan.
Convergence des pouvoirs

D'autre part, calquer les frontières des BB sur celles des provinces élargit leur emprise juridictionnelle. Ainsi son maire prend les rênes de toute une province. Et ces structures géantes, de parfois plus de 100 kilomètres de diamètre, se voit dotées du pouvoir d'intervenir dans la mise en œuvre des plans locaux.
Deux tiers du système administratif a été centralisé en rendant « insignifiant » le rôle des administrations locales, insiste Melih Ersoy, par ailleurs auteur de plusieurs essais décryptant la gouvernance locale turque. « En termes de promotion de la démocratie locale dans le pays, c'est rétrograde. »
« Le maire d'Antalya sera responsable de l'aménagement des alpages des montagnes », illustre Jean-François Pérouse, maître de conférences à l’Université du Mirail (Toulouse) et intervenant à l’Université Galatasaray (Istanbul). Cette polarisation sur les métropoles a pris son essor en 2004 lorsque la BB d'Istanbul a étendu ses frontières à celles de l'ensemble du département d'Istanbul.
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Autre fait notable, l'Administration Spéciale du Département, organe indépendant de l'exécutif local, disparaît au profit de structures contrôlées par le pouvoir central. Ainsi, projette Jean-François Pérouse, « le destin des territoires peu ou pas urbanisés semble être uniquement de servir les intérêts des métropoles auxquelles ils sont soumis, en ressources primaires et espaces de détente et de débordement ».
Le risque que les BB soient dirigées par et pour l'urbain fait tiquer l'opposition. L'accès à l'électricité du fermier isolé aura-t-il une quelconque influence dans la politique d'aménagement du territoire?
Au final, la tendance centralisatrice que le pays s'évertuait à abandonner ces 50 dernières années revient au pas de charge sous une forme « métropolisante ». Au profit de ses citoyens clame le gouvernement. Du moins à court terme.