TUNISIE. “La note d'orientation du gouvernement sera connue mi-juin”, a annoncé Slim Chaker, ministre tunisien de l'Économie et des Finances, jeudi 12 mars 2015 à Tunis lors du Tunis Economic Forum. Soit un mois de plus qu'annoncé précédemment, puisque l'équipe ministérielle était censée remettre ses grands axes mi-mai 2015, après ses cent premiers jours de fonction. Il faudra finalement attendre le second semestre 2015 pour connaître son plan d'action détaillé.
Mais, la volonté d'engager de profonds changements dans le secteur économique demeure affichée. “Je suis là pour faire les réformes et je les ferai”, a promis le ministre. Pour lui, le constat est simple : “Il faut résoudre les problèmes du chômage et cela passera d'abord par une croissance inclusive. Il faut des investissements, des institutions et de la bonne gouvernance”. Reste à savoir comment ces différents chantiers seront abordés.
Organisé par l'Institut arabe des chefs d'entreprises (IACE), le Tunis Economic Forum avec comme thème "La mise en place des réformes : Urgences et méthodes" entendait bien les évoquer et surtout fixer des priorités.
La réforme de l'administration

“Le diagnostic est là, nous avons besoin de résultats, d'actions concrètes”, souligne Ouided Bouchamaoui, présidente de l'Utica (Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat). Persuadée que “pour plus d'efficacité et de contrôle, il faut un changement au niveau de l'administration”, la patronne des patrons assure que la réforme administrative reste “la première chose à faire.”
“ Nous avons vécu un décalage énorme entre l'évolution du management du secteur privé et la gestion de l'entreprise pendant que l'Etat est resté immobile”, déplore Walid Bel Haj Amor, président du CTVIE (Centre tunisien de veille et d'intelligence économique). Le ministre de l'Économie et des Finances Slim Chaker semble dresser un constat similaire. Il insiste sur une meilleure mise en place des politiques de gestion des ressources humaines dans le secteur public, tout en reconnaissant que le pays “manque de compétences dans le domaine.”
La réforme de l'administration, devrait aussi passer par un rééquilibrage. Le ministre reconnaît “un fossé énorme entre administrations régionales et pouvoir central.” Et de renchérir : “comment voulez vous qu'il y ait une qualité des services quand certaines administrations ont un ordinateur pour trois personnes ? ”.
“Si nous réformons l’administration les gains de productivité seront énormes, nous pouvons facilement gagner 2 à 3% de croissance”, prédit Hédi Larbi, ancien ministre tunisien de l'équipement, de l'aménagement du territoire et du développement (de janvier 2014 à février 2015). Mais, dans le public du Tunis Economic Forum, certains s'interrogent toujours sur les risques de résistance au changement des fonctionnaires et le manque de vision ambitieuse du gouvernement.
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Réforme bancaire et financière
En parallèle de la réforme administrative, l'IACE appelle à réformer les secteurs bancaire et financier. “C'est la priorité car ,c'est le moyen de financer la croissance”, affirme Majdi Hassen, directeur exécutif. Ces réformes démarreraient, selon lui, par “des mesures pour les banques publiques et la mise en place d'une agence de gouvernance de la stabilité financière en Tunisie.”
Les étapes concrètes se font attendre en l'absence d'un plan de travail clair du gouvernement. “Je n'ai pas vu aujourd'hui de bonne analyse des coûts et bénéfices d'une réforme bancaire”, regrette Mustapha Kamel Nabli, président du North African bureau of economic studies et ex gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (de janvier 2011 à juillet 2012). “C'est fondamental, il faut dépasser l'aspect idéologique de cette question et déterminer ce que cela implique”, ajoute-t-il.
A la recherche d'une méthode
Face à la multiplicité des réformes économiques annoncées, Mustapha Kamel Nabli exhorte à “réformer la gouvernance des réformes.” Un constat partagé par l'Institut arabe des chefs d'entreprise qui en a fait un axe de son forum. “Nous avons évoqué le problème de la méthode car nous n'avons pas l'impression que ce dialogue soit en train d'être mis en place”, explique Majdi Hassen, directeur exécutif de l'IACE. Et de conclure : “Le plan d'action du gouvernement n'est pas l'essentiel pour nous. Nous connaissons les problèmes de la Tunisie depuis longtemps. Il faut travailler sur la méthode de mise en œuvre, c'est l'essentiel”.
Majdi Hassen encourage le gouvernement à instaurer un dialogue et des organes spécifiques pour accompagner ces changements, par crainte que le consensus, souvent prôné, ne mène qu'à des “mesurettes et non pas des réformes profondes”.