FRANCE. « Si le dossier ne passe pas, on en prend pour 80 ans... » : lors d’un petit déjeuner avec la presse économique, juste avant les fêtes de Noël, le préfet de la région Provence Alpes Côte d'Azur, Hugues Parant, n’avait pas caché son inquiétude quant à l’avancement du projet de LGV Paca. Oups ! Pardon... de la « Nouvelle ligne ferroviaire » (NLF), nouvelle appellation du projet qui englobe désormais création d’une nouvelle ligne à grande vitesse entre Marseille et Nice et amélioration des dessertes locales (le réseau TER).
L’inquiétude du préfet était fondée sur de multiples indices. Alors que le gouvernement a mis en place une commission pour passer au peigne fin les projets de grandes infrastructures de transport inscrits sur le calendrier du Snit (schéma national des infrastructures de transport), le lobbying des élus sur ce dossier emblématique est loin d’être à la mesure de l’enjeu. Jean-Claude Gaudin (sénateur maire de Marseille), Hubert Falco (sénateur maire de Toulon), Eugène Caselli (président de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole) ont chacun à tour de rôle lâché en 2012 des petites phrases annonçant l’enterrement du projet. Il n’en fallait pas plus pour conforter dans leur combat les associations de riverains, notamment dans le Centre Var et dans la vallée de l’Huveaune, qui restent mobilisées contre l’aménagement de cette infrastructure.
Un brin fataliste, le représentant de l’État s’avouait même carrément « terrorisé » par l’attitude de ces associations alors que la fameuse commission « Mobilité 21 » doit rendre son rapport en avril 2013 au ministre des Transports. « Il est acquis que l’on n’a pas besoin de voyager à la vitesse de la lumière de Nice à Paris. L’important, c’est la régularité de la desserte », assurait Hugues Parant. Le 9 janvier 2013, l’intéressé a eu l’occasion de marteler ce message à l’occasion du énième comité de pilotage censé dresser le point des avancées du dossier en 2012 (sic).
Un sondage en renfort

-
Israël se prononce pour la solution à deux États pour régler son conflit avec la Palestine
-
Voltalia investit dans cinq nouvelles centrales solaires au Portugal
-
La Commission européenne donne son feu vert aux aides d’État dans le domaine de l'hydrogène
-
HOMERe France et l'IECD s'allient pour faciliter l'employabilité des jeunes Libanais
-
Le Liban va pouvoir extraire son propre gaz naturel
Déserté par la majorité des grands élus de la région - seuls Christian Estrosi (député maire de Nice) et Michel Vauzelle (président du Conseil régional PACA) étaient présents – ce Copil présentait des allures de séance de rattrapage. À défaut d’un consensus politique, les membres du Copil ont pu se rassurer avec les résultats d’un sondage IFOP montrant que « 82% des habitants de la Région soutiennent un projet de ligne nouvelle qui satisferait à leur besoin de mobilité quotidienne ». Le communiqué de la préfecture et de RFF ne précisait pas toutefois si les personnes interrogées (qui résident dans les trois départements concernés) avaient été invitées à se prononcer sur le tracé de cette fameuse ligne nouvelle... Au-delà de ce soutien de l’opinion, le Copil a été l’occasion de recalibrer le projet au prisme de la nouvelle grille d’analyse imposée par le gouvernement. En octobre 2012, lors de l’installation de la commission « Mobilité 21 », le ministre français des Transports Frédéric Cuvillier fixait le nouveau cap : la commission devrait « trier, hiérarchiser et mettre en perspective les grandes infrastructures ». Et cette réflexion devrait se décliner en suivant une feuille de route plus franchement favorable aux projets de LGV puisqu’il s’agissait de veiller sur les « évolutions de services, en donnant la priorité aux transports du quotidien, à la rénovation des réseaux existants et l'amélioration à court terme du service rendu aux usagers ». Le tout dans un cadre « réaliste sur le plan financier ».
Le message a semble-t-il été parfaitement reçu à la préfecture de région. Exit la LGV Paca qui laisse la place à la « ligne nouvelle ferroviaire », un projet global mariant « liaisons rapides entre les métropoles de l’arc méditerranéen » et « satisfaction des besoins de déplacements du quotidien ». Et pour que le projet apparaissent encore plus rutilant aux yeux des experts de commission Mobilité 21, les membres du Copil ont ajouté une pincée de préoccupations environnementales en rappelant que « le projet devait prendre en considération le développement de l’intermodalité des gares de la ligne nouvelle avec les autres réseaux de transports (TER, tramways, parkings relais…) ainsi que transport de marchandises ».
Les CCI remettent la pression

Quant à la question cruciale des financements, une équation clef pour un projet que les premières estimations chiffraient à plus de 15 mrds €, là encore, les membres du Copil semblent avoir entendu l’appel au réalisme du gouvernement : ils ont ainsi « adopté le principe d’un phasage de la réalisation de la ligne nouvelle en différentes tranches fonctionnelles, à dimensionner en cohérence avec les capacités contributives des cofinanceurs ». En clair et sans décodeur, plus question de se lancer dans un chantier pharaonique qui imposerait le percement d’une soixantaine de kilomètres de tunnels dans l’arrière-pays et dans les zones urbaines... Il s’agit désormais de « privilégier le démarrage de cette ligne simultanément à partir des 2 agglomérations niçoise et marseillaise ». A charge pour RRF, maître d’ouvrage de cette opération de réaliser les études permettant de déboucher « dans les prochaines semaines » sur « des propositions consensuelles ».
Ce recalibrage suffira-t-il à convaincre les membres de la commission Mobilité 21 ? Réponse au printemps 2013...
Conscient du risque d’enlisement, les Chambres de commerce de la région, réunies sous la bannière de la CCIR, décident de remettre un coup de pression. Dans un communiqué publié le 21 janvier 2013, les acteurs économiques jugent « indispensable un consensus fort et audible des élus et de la société civile en faveur de ce projet qu'elles considèrent comme vital pour l'avenir du territoire ». Un appel qui a le mérite de la constance... mais qui, a contrario, met le doigt sur le talon d’Achille de ce projet en mal de soutien politique fort.
Le phasage de la NLF défendu par les CCI de PACA donne la priorité à la traversée de Marseille en tunnel avec une gare à quatre voies à quai sous Saint-Charles, à la 4e voie dans la Vallée de l’Huveaune et à une ligne nouvelle de l’Est Var à l’Aéroport Nice-Côte d’Azur. La NLF Paca devrait coûter 7,4 mrds € sur dix ans (2018-2028), avec des capacités d’autofinancement de 30 à 50% des investissements. Cette ligne nouvelle permettrait de faire gagner une heure sur le trajet Marseille-Nice qui est actuellement de 2h30.
Histoire de marteler leur position en faveur de ce projet, les CCI de PACA lancent une grande campagne de sensibilisation. Durant les trois prochains mois, les partisans de la NLF sont invités à signer une pétition en ligne (2.411 signatures au 25 janvier 2013 à 10h)