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La Libye a 110 jours pour assurer sa stabilité politique et économique


Rédigé par , le Mardi 29 Août 2017 - Lu 4031 fois

Le challenge s'avère difficile alors que l'envoyé spécial de l'Onu décrit un tableau sombre de la situation. Pourtant, d'ici moins de quatre mois, les deux hommes forts du pays, Fayez Al-Sarraj et Khalifa Haftar, devront prouver à la communauté internationale que la Libye peut s'appuyer sur une stabilité institutionnelle, résoudre les problèmes de gestion des ressources naturelles et des migrations illégales et réinstaurer un état de droit.


Ghassan Salamé évoque une situation complexe en Libye devant le Conseil de sécurité de l'Onu (photo : ONU/Kim Haughton)
Ghassan Salamé évoque une situation complexe en Libye devant le Conseil de sécurité de l'Onu (photo : ONU/Kim Haughton)
LIBYE. Le 17 décembre 2017 marquera officiellement la fin de  la période de transition politique en Libye. Selon l'Accord politique libyen signé par l'Organisation des Nations Unies (ONU) à Skhirat au Maroc le 17 décembre 2015, et soutenu par la communauté internationale, à cette date, les différentes parties devront mettre en place un véritable gouvernement d'entente nationale capable d'assurer la stabilité du pays. Mais aussi de s'attaquer aux dossiers qui minent l'économie libyenne comme la gestion des ressources naturelles (principalement le pétrole), les migrations illégales ainsi que l'absence d'état de droit et les violations des droits de l'homme.

Sur ce dernier point, Antonio Guterres a demandé, lundi 28 août 2017, aux autorités libyennes de "relâcher immédiatement les migrants les plus vulnérables, notamment les femmes en danger, les femmes enceintes, les familles avec enfants, les enfants seuls ou séparés (de leurs proches) et les handicapés." Dans un rapport, le secrétaire général de l'Onu, dénonce le travail forcé, les viols et les détentions arbitraires. "Les migrants continuent d'être victimes de violences extrêmes par des trafiquants, des passeurs, des membres de groupes armés et des forces de sécurité", accuse Antonio Guterres.

Sur les migrations illégales proprement dîtes, la Libye, l'Italie, le Niger et le Tchad sont déjà parvenus à un accord pour renforcer les contrôles aux frontières en mai 2017. L'Union européenne a également voté plusieurs mesures en mars 2017 dans ce sens en finançant notamment des formations de garde-côtes libyens. Antonio Tajani, président du Parlement européen, veut aller plus loin : "Nous avons donné 6 mrds€ à la Turquie pour fermer la route des Balkans. Il est arrivé le moment de faire la même chose avec la Libye et d'investir de 50 à 60 mrds€ pour le développement de l'Afrique."

Quant à la lutte contre la contrebande de carburant, elle suit son cours avec encore un pétrolier intercepté dimanche 27 août 2017.

Détérioration des conditions de vie

Alors que le Libanais Ghassan Salamé vient de remplacer l'Allemand Martin Kobler au poste d'envoyé spécial de l'Onu en Libye, l'institution entend renforcer son rôle dans ce pays. Une réunion des représentants des parties libyennes se tiendra d'ailleurs à New York au siège des Nations Unies mi-septembre 2017. Ghassan Salamé devrait y présenter une nouvelle stratégie et un plan d'action visant à accroître sur place sa présence.

Lundi 28 août 2017, il s'adressait pour la première fois, par visioconférence, au Conseil de sécurité de l'Onu, pour rendre compte d'un premier bilan un mois après sa prise de fonction comme chef de la Mission d'appui des Nations Unies en Libye (Manul). "De mes entrevues (ndlr : avec l'ensemble des parties mais aussi des représentants Tunisiens, Algériens, Egyptiens et Italiens), un tableau émerge clairement. La population libyenne est exaspérée par la détérioration des conditions de vie dans leur pays", soulignait-il. Et d'ajouter devant les représentants onusiens, « les gens n'en peuvent plus des coupures d'électricité et d'eau, qui entraînent celles des réseaux téléphoniques et d'Internet. Ils ne comprennent pas comment on peut être pauvre dans un pays doté de richesses naturelles, notamment du pétrole, mais où il faut faire la queue pendant une journée pour obtenir vingt litres d'essence. »

Une économie prédatrice

Selon Ghassan Salamé, "une économie prédatrice s'est enracinée dans le pays, se répand parmi la population, comme si celui-ci alimentait volontairement sa propre crise, au profit de quelques-uns et au détriment de tous les autres, ce qui met en évidence un grave problème de gouvernance qu'il faut résoudre de toute urgence... À moins de relever les défis économiques, la situation humanitaire ne fera que s'aggraver."

Le constat est posé et rend d'autant plus compliqué le challenge de l'après révolution en Libye. D'autant plus qu'à cinq mois de l'échéance de la fin de l'Accord politique libyen, Fayez Al-Sarraj à Tripoli n'arrive toujours pas à s'entendre avec le maréchal Khalifa Haftar maître de l'Est du pays et vainqueur de Benghazi. Deux gouvernements concurrents, et un Parlement installé à Tobrouk, continuent à se partager le pays. Et ce n'est pourtant pas faute de rencontres successives comme la dernière fin juillet 2017 à La Celle-Saint-Cloud, près de Paris. Sans compter l'accord d'Abou Dhabi de mai 2017 prévoyant la création d'une armée unifiée et l'intégration du maréchal Haftar dans le conseil chargé de la préparation de la présidentielle. Ghassan Salamé a reconnu devant le Conseil de sécurité "un sérieux problème de gouvernance qui doit être réglé de toute urgence."

Les combats se poursuivent d'ailleurs entre les différentes factions. Le chef de la Manul a ainsi évoquer pour l'anecdote devant le Conseil de sécurité de l'Onu, son expérience personnelle : "lors de ma première nuit à Tripoli, je me suis endormi au son des rafales de coups de feu."

Consensus obligatoire

Si la lutte contre l'Etat islamique laisse entrevoir une victoire - même si l'EI vient d'enlever près de Syrte un ancien vice-président du Comité des élections et un volontaire de l'armée libyenne et que l'organisation installe de nouveaux barrages dans le désert au sud du pays -  il ne s'agit que d'une partie d'un problème plus complexe. Le chef du gouvernement d'unité nationale (GNA), Fayez Al-Sarraj, demeure loin de faire l'unanimité espérée lors de sa difficile intronisation en mars 2016. La crainte d'un vide institutionnel au 17 décembre 2017 force pourtant les belligérants à s'entendre. Un projet de constitution voté le 29 juillet 2017 se trouve à l'examen dans les tribunaux pour évaluer sa légalité et de nouvelles élections devront se dérouler au plus vite. Fayez Al-Sarraj a programmé, depuis juillet 2017, une présidentielle et des législatives en mars 2018.

Mais pour que ces deux points débouchent, un consensus entre les deux hommes forts libyens demeure indispensable. L'Onu s'engage donc dans la "relance d'un processus politique inclusif" avec l'ambition de "soutenir un gouvernement légitime capable d'unifier le pays et ses institutions nationales", précise Antonio Guterres.




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