
Les 6e Rencontres de Cybèle ont réuni à Marseille des experts du Sahel venus des deux rives (photo F.Dubessy)
MÉDITERRANÉE. À Marseille, mercredi 10 juin 2015 à la Villa Méditerranée, les 6e Rencontres de Cybèle réunissaient huit experts, quatre de la rive Sud et quatre Français, autour de la thématique "Le Sahel ou une nouvelle diagonale de coopération entre la France, l'Algérie et la Tunisie". Une réflexion sur les problématiques de cette région a permis d'en évaluer les risques et les menaces. "Un risque est associé à une potentialité, une menace à une réalité plus tangible" posait comme décor le Général de corps aérien Michel Masson, membre du Conseil scientifique de l'association Euromed-Ihedn, organisatrice avec son président le Contre-amiral Jean-François Coustillière de ces entretiens de haut niveau.
" La menace terroriste est réelle. Très rationnels, les Islamistes bénéficient d'un avantage : un rapport gratifiant à la mort ce dont ne dispose pas une armée conventionnelle. Mais, si les forces armées des cinq pays du Sahel et des trois pays de l'Europe du Sud s'alliaient, celles de l'Etat islamique ne tiendraient pas une semaine !" lance en préambule Liess Boukra, directeur général de l'Institut national d'Etudes et de Stratégie globale d'Alger (INESG). Oui mais voilà, "soit ils ne veulent pas s'unir pour privilégier des intérêts particuliers ou des objectifs inavoués, soit ils ne peuvent pas, car certains pays ont un fil à la patte avec d'autres grandes puissances ou à cause de l'incapacité de ces Etats à gérer un dispositif collectif" regrette-t-il. "Pourtant, nous savons où ils sont, nous connaissons les tribus avec lesquelles ils travaillent et ils continuent à menacer toute la région et même des Etats. La région devient un enjeu stratégique avec l'intervention de puissances non-régionales."
Il faut pourtant bien réagir. Et vite. Liess Boukra envisage une action en plusieurs étapes. A commencer par une alliance entre la France et l'Algérie, "seul pays à avoir vaincu le terrorisme et à avoir une frontière commune avec les pays du Sahel", qui serait perçue comme "une démarche volontariste pour donner l'exemple et créer un effet d'entraînement."
" La menace terroriste est réelle. Très rationnels, les Islamistes bénéficient d'un avantage : un rapport gratifiant à la mort ce dont ne dispose pas une armée conventionnelle. Mais, si les forces armées des cinq pays du Sahel et des trois pays de l'Europe du Sud s'alliaient, celles de l'Etat islamique ne tiendraient pas une semaine !" lance en préambule Liess Boukra, directeur général de l'Institut national d'Etudes et de Stratégie globale d'Alger (INESG). Oui mais voilà, "soit ils ne veulent pas s'unir pour privilégier des intérêts particuliers ou des objectifs inavoués, soit ils ne peuvent pas, car certains pays ont un fil à la patte avec d'autres grandes puissances ou à cause de l'incapacité de ces Etats à gérer un dispositif collectif" regrette-t-il. "Pourtant, nous savons où ils sont, nous connaissons les tribus avec lesquelles ils travaillent et ils continuent à menacer toute la région et même des Etats. La région devient un enjeu stratégique avec l'intervention de puissances non-régionales."
Il faut pourtant bien réagir. Et vite. Liess Boukra envisage une action en plusieurs étapes. A commencer par une alliance entre la France et l'Algérie, "seul pays à avoir vaincu le terrorisme et à avoir une frontière commune avec les pays du Sahel", qui serait perçue comme "une démarche volontariste pour donner l'exemple et créer un effet d'entraînement."
La Cyrénaïque bientôt ralliée à l'Egypte ?

Selon Liess Boukra, "à la moindre étincelle, tout peut éclater en chaîne" (photo F.Dubessy)
La prolifération de l'État islamique demeure le plus inquiétant des problèmes de cette région du Sahel. Mais elle s'accompagne voire s'alimente de bien d'autres. "Affaiblissement des États au Sud comme au Nord qui traversent une crise profonde, instrumentalisation de la pauvreté par des idéologies totalitaire, trafic de drogue, prolifération des armes légères à des prix défiant toute concurrence, terrorisme qui gagne du terrain, contradiction entre les nomades, qui piétinent d'autres territoires à cause de la sécheresse, et les sédentaires..." énumère Liess Boukra. N'en jetez plus, le Sahel est plein ! "Cette région concentre beaucoup de conflits. À la moindre étincelle, tout peut éclater en chaîne" s'alarme le directeur général de l'INESG.
Devenue un foyer permanent de déstabilisation, la Libye dispose par exemple de "deux gouvernements qui ne contrôlent rien et se trouve en voie de somalisation" note Liess Boukra. Selon lui, "la Cyrénaïque riche en ressources pourrait basculer dans l'escarcelle égyptienne."
Devenue un foyer permanent de déstabilisation, la Libye dispose par exemple de "deux gouvernements qui ne contrôlent rien et se trouve en voie de somalisation" note Liess Boukra. Selon lui, "la Cyrénaïque riche en ressources pourrait basculer dans l'escarcelle égyptienne."
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Jean-François Coustillière, grand ordonnateur des 6e Rencontres de Cybèle (photo F.Dubessy)
Tendances sécessionnistes en Tunisie
Pour Hatem Ben Salem, ancien secrétaire d'État tunisien aux Affaires étrangères puis ministre de l'Éducation nationale, ne croit pas à "une solution politique négociée en Libye. Cela n'est pas possible à cause de la rivalité des diplomaties algérienne et marocaine." Celui qui a aussi été ambassadeur auprès des Nations Unies à Genève, constate "une désétatisation au Sahel. Les États n'arrivent plus à exercer la moindre autorité sur leur territoire. Au Sahel comme au Maghreb ! Le risque de balkanisation de cette région demeure important. Des petits groupes de terroristes ne dépassant pas la centaine de personnes se fédèrent et mettent en place une stratégie autour du 6e califat. L'Etat islamique se trouve aux portes de l'Europe et personne ne réagit !" Hatem Ben Salem craint "un pourrissement de la situation en Libye impactant la Tunisie qui connaît déjà des tendances sécessionnistes au Sud, et ce n'est pas une anecdote."
L'ancien ministre tunisien préconise une meilleure collaboration dans le domaine du renseignement : "France, Algérie, Tunisie, doivent passer du simple échange d'informations à une harmonisation de leurs services de renseignements pour prévenir la menace terroriste et coordonner leurs efforts pour lutter contre. Une alliance entre ces trois pays permettrait de prévenir l'attaque au lieu d'y répondre. Avant qu'il ne soit trop tard..." Deux pays tracent déjà la voie comme l'indique Abdennour Benantar, maître de conférences à l'Université Paris 8 et Research Fellow au Collège de défense de l'Otan à Rome : "grâce à un accord entre les deux commandements, l'Algérie et la Tunisie disposent du plus haut niveau d'accord sécuritaire de tous les pays arabes !"
Hatem Ben Salem réclame "une résolution de l'Onu pour déterminer une feuille de route sur le règlement de la question libyenne. Comme il a été possible d'en avoir une pour détruire l'État libyen de Khadafi... Cela pourrait commencer par un désarmement des milices pour voir qui est réfractaire et donc qui veut détruire au lieu de bâtir."
L'ancien ministre tunisien préconise une meilleure collaboration dans le domaine du renseignement : "France, Algérie, Tunisie, doivent passer du simple échange d'informations à une harmonisation de leurs services de renseignements pour prévenir la menace terroriste et coordonner leurs efforts pour lutter contre. Une alliance entre ces trois pays permettrait de prévenir l'attaque au lieu d'y répondre. Avant qu'il ne soit trop tard..." Deux pays tracent déjà la voie comme l'indique Abdennour Benantar, maître de conférences à l'Université Paris 8 et Research Fellow au Collège de défense de l'Otan à Rome : "grâce à un accord entre les deux commandements, l'Algérie et la Tunisie disposent du plus haut niveau d'accord sécuritaire de tous les pays arabes !"
Hatem Ben Salem réclame "une résolution de l'Onu pour déterminer une feuille de route sur le règlement de la question libyenne. Comme il a été possible d'en avoir une pour détruire l'État libyen de Khadafi... Cela pourrait commencer par un désarmement des milices pour voir qui est réfractaire et donc qui veut détruire au lieu de bâtir."

Akram Belkaïd prône un dialogue entre les parties (photo F.Dubessy)
Les problèmes au Sahel ne sont pas qu'économiques ou sécuritaires
Jean-François Daguzan, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique et directeur de la revue Maghreb-Machrek, pointe les changements survenus dans cette région depuis 2008 et la crise économique mondiale. Mais aussi dans les migrations, "une problématique des pays du Nord également maintenant celle de l'Algérie et de la Tunisie. Ces zones de transit sont devenues des zones de sédentarisation avec toutes les conséquences inhérentes." Selon lui, l'UE n'effectue plus son rôle de stabilité. "La Politique européenne de voisinage ne concerne que la périphérie et l'Union pour la Méditerranée a été conçu avec des Etats autoritaires et des rapports multilatéraux. Elle n'a plus de réalité politico-stratégique" critique-t-il. "L'UMA (ndlr : Union du Maghreb Arabe) n'est qu'une coquille vide et l'UpM n'a été qu'une aimable parenthèse mal préparée et qui aujourd'hui ne sert plus à grand chose. Quant à l'Europe, elle continue à se comporter comme si les problèmes au Sud de sa frontière n'étaient qu'économiques ou sécuritaires" renchérit le journaliste franco-algérien Akram Belkaïd pointant le contrôle des mafias, "et pas qu'au Sud" notamment dans les drames actuels des migrants. Mais aussi celui de la drogue, "une lutte que les Etats continuent à perdre !"
Journaliste au Monde Diplomatique et au Quotidien d'Oran notamment, il fustige l'"inexistence d'un dialogue entre les forces antagonistes. L'histoire de l'humanité montre que ce qui existe pendant et après la guerre, c'est la discussion et la négociation."
Cette affirmation fait bondir Louis Caprioli, conseiller spécial du président du groupe Geos : "Le Jihad et le fusil. Pas de paix, pas de trêve, pas de négociation. Nous ne sommes plus dans les guerres conventionnelles avec les Islamistes." Abdennour Benantarn regrette lui "l'amplification par le discours de la menace. Ceci nuit à comprendre la réalité."
Pour Akram Belkaïd, "il ne faut pas perdre de vue toutes les erreurs commises dans les dix à quinze dernières années pour ne pas les reproduire. Nous restons dans le pré-acquis qu'une intervention militaire peut tout régler. Or, depuis vingt ans, toutes ces interventions n'ont rien réglé du tout." Et de citer l'Irak, l'Afghanistan, le Yémen, le Kosovo, la Libye... "C'est bien beau d'intervenir, mais comment fait-on renaître un pays ?"
Journaliste au Monde Diplomatique et au Quotidien d'Oran notamment, il fustige l'"inexistence d'un dialogue entre les forces antagonistes. L'histoire de l'humanité montre que ce qui existe pendant et après la guerre, c'est la discussion et la négociation."
Cette affirmation fait bondir Louis Caprioli, conseiller spécial du président du groupe Geos : "Le Jihad et le fusil. Pas de paix, pas de trêve, pas de négociation. Nous ne sommes plus dans les guerres conventionnelles avec les Islamistes." Abdennour Benantarn regrette lui "l'amplification par le discours de la menace. Ceci nuit à comprendre la réalité."
Pour Akram Belkaïd, "il ne faut pas perdre de vue toutes les erreurs commises dans les dix à quinze dernières années pour ne pas les reproduire. Nous restons dans le pré-acquis qu'une intervention militaire peut tout régler. Or, depuis vingt ans, toutes ces interventions n'ont rien réglé du tout." Et de citer l'Irak, l'Afghanistan, le Yémen, le Kosovo, la Libye... "C'est bien beau d'intervenir, mais comment fait-on renaître un pays ?"