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L'Algérie n'indemnisera pas les pieds noirs


Rédigé par , le Mercredi 22 Juin 2016 - Lu 4263 fois

Le ministre algérien des Moudjahidine adresse une fin de non recevoir pour l'indemnisation financière des biens immobiliers algériens des rapatriés français abandonnés au moment de l'indépendance. Quelque 800 000 Français ont dû quitter l'Algérie, dont la plupart précipitamment au printemps et à l'été 1962.


Les biens vacants, ici Alger, appartiennent désormais à l'Etat algérien (photo F.Dubessy)
Les biens vacants, ici Alger, appartiennent désormais à l'Etat algérien (photo F.Dubessy)
ALGÉRIE / FRANCE. Tayeb Zitouni, ministre algérien des Moudjahidine, a été très clair, mardi 21 juin 2016 à l'issue d'un accord de coopération entre son secteur et le Haut-commissariat à l'Amazighité (HCA) : "Il est impossible de satisfaire à la demande des pieds noirs portant sur leur indemnisation financière pour les biens immobiliers qu'ils possédaient durant l'occupation française de l'Algérie."

Cette fin de non recevoir intervient alors qu'un dialogue se poursuivait sur le sujet depuis 2012 entre la France et l'Algérie et la signature d'un Traité d'amitié entre les deux pays pour assainir toutes les questions restées en suspens.

Un ministre algérien des Moudjahidine, s'est même rendu en France, le 27 janvier 2016, pour la première fois depuis 1962, pour y rencontrer son homologue français Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'Etat chargé des anciens combattants et de la mémoire. Au cours de cette visite officielle de trois jours, Tayeb Zitouni s'est notamment rendu à Verdun pour honorer la mémoire des soldats algériens tombés durant la première guerre mondiale. Au coeur des discussions entre les deux ministres figuraient - outre la récupération des archives nationales de la période de l'occupation française et la question des disparus lors de la guerre d'Algérie - les indemnisations des victimes des essais nucléaires effectués dans le Sahara algérien. Le dossier des rapatriés est lui resté fermé.

Mercredi 15 juin 2016, Jean-Marc Ayrault, ministre français des Affaires étrangères, relançait la polémique en indiquant que les pieds noirs restés jusqu'à l'époque de l'indépendance, étaient libres de présenter aux autorités administratives et judiciaires algériennes leurs éventuelles demandes de réparation.

Près d'un million de rapatriés

Suite à l'indépendance de l'Algérie en 1962, quelque 800 000 Français vivant en Algérie ont quitté le pays dont 512 000 entre les mois de mai et d'août. Ainsi que 140 000 harkis ou Français musulmans rapatriés, membres des forces supplétives ou militaires engagés ou appelés au côté de l'armée française.

Lors du retour forcé de Français d'Algérie, l'Etat français privilégie la voie de la réinstallation au dépens de l'indemnisation. Entre 1962 et 1970, l'accueil et la réinstallation d'un rapatrié s'élèvent, en moyenne, à 14 000 francs équivalent à 14 900 € actuels (selon le convertisseur "pouvoir d'achat de l'euro et du franc" développé par l'Insee).

Dès 1964 pourtant, Georges Vedel, doyen de la Faculté de droit de Paris, écrivait : " il existe incontestablement un droit des français d'Algérie ayant subi des pertes ou des spoliations à l'indemnisation directe de celles-ci par l'Etat français, indépendamment de tout problème de participation de l'Etat algérien à cette indemnisation. S'agissant d'une obligation juridique à réparation, et non de secours ou de mesures de bienveillance, le. quantum de la réparation est mesuré par l'équivalent économique de la perte subie." 

L'Etat français devrait 25,15 mrds€ aux rapatriés

Les pieds noirs ont du quitté précipitemment l'Algérie au moment de l'indépendance (photo DR)
Les pieds noirs ont du quitté précipitemment l'Algérie au moment de l'indépendance (photo DR)
Plusieurs lois depuis 1970 ont déjà permis d'indemniser les rapatriés de façon forfaitaire et à titre d'"avance sur les créances détenues à l'encontre des Etats étrangers ou des bénéficiaires de la dépossession." En France, après les lois d'indemnisation de 1970 et de 1974, les pieds noirs obtiennent ainsi, en moyenne, 58 000 francs. Soit 44 343 € en valeur 2015. Reste que peu de rapatriés en bénéficient comme s'en plaignent leurs associations. En 1978, une nouvelle loi française permet d'ajouter un complément, en moyenne, de 130 000 francs (équivalent à 68 011 € actuels).

Le Groupement national pour l'indemnisation des biens spoliés ou perdus Outre-mer (GNPI), réaffirme régulièrement trois "nécessaires compensations" : celles de l'érosion monétaire, de la privatisation de jouissance des biens, du non accès à l'expansion économique. Le GNPI estime à 25,15 mrds€ la créance de l'Etat français vis-à-vis des rapatriés français d'Algérie et d'Outre mer.
"Si ces familles avaient été indemnisées totalement dès leur arrivée, le problème ne se poserait plus cinquante ans plus tard !" regrettait en février 2016, Stéphane Lucci, vice-président de l'Union syndicale de défense des intérêts des Français repliés d'Algérie (USDIFRA).

"La France doit indemniser l'Algérie"

250 000 biens vacants des pieds noirs, ayant quitté l'Algérie au moment de l'indépendance, ont été récupérés par l'Etat algérien fin 2014. Appartenant désormais au patrimoine national, ils ne peuvent plus faire l'objet de restitution à des étrangers. L'ANIFOM (Agence nationale pour l'indemnisation des Français d'Outre-mer) évaluait en 2010 les biens perdus à 50 milliards de francs (valeur 1962) soit 69 mrds€.

Pour Tayeb Zitouni, "c'est la France qui a occupé l'Algérie et pillé ses richesses et même les biens de ses citoyens" qui devrait indemniser le pays. "Il revient à l'Algérie de revendiquer la restitution de ses biens spoliés, notamment les archives nationales" poursuivait-il.

En mars 1962, les accords d'Evian, mettant fin à la guerre entre la France et l'Algérie, prévoyaient pour les pieds noirs dans son chapitre II que "leurs droits de propriété seront respectés. Aucune mesure de dépossession ne sera prise à leur encontre sans l'octroi d'une indemnité équitable préalablement fixée."





1.Posté par El Fahama Fahem le 31/08/2016 20:45
En mars 1962, les accords d'Evian, mettant fin à la guerre entre la France et l'Algérie, prévoyaient pour les pieds noirs dans son chapitre II que "leurs droits de propriété seront respectés. Aucune mesure de dépossession ne sera prise à leur encontre sans l'octroi d'une indemnité équitable préalablement fixée."

il faut ajouter s'ils restent en Algérie et bénéficient de la nationalité Algérienne après une période de 3 ans.

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