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Ismail Selim : " Je veux ouvrir l'arbitrage commercial au Français"


Rédigé par Propos recueillis par Frédéric Dubessy, le Mardi 3 Octobre 2017 - Lu 4993 fois

Directeur depuis le 1er janvier 2017 du Centre régional du Caire pour l'arbitrage commercial international, Ismail Selim s'est engagé dans une tournée pour mieux faire connaître son organisation. A l'occasion d'une réunion à la Maison de l'Avocat à Marseille, ce francophone a accordé une interview exclusive à econostrum.info dans laquelle il évoque l'arbitrage en Méditerranée et nous dévoile sa volonté de le développer en langue française.


Ismail Selim dirige le CRCICA depuis janvier 2017 (photo : F.Dubessy)
Ismail Selim dirige le CRCICA depuis janvier 2017 (photo : F.Dubessy)
econostrum.info : Quel est le rôle du Crcica que vous dirigez ?

Ismail Selim : Le Centre régional du Caire pour l'arbitrage commercial international est une organisation non pas égyptienne mais bien internationale et à but non lucratif. Les autorités égyptiennes ne nous financent plus depuis 1987. Ceci nous donne tous les privilèges et immunités nécessaires pour assurer le fonctionnement du centre et de ses annexes de façon indépendante. La majorité des membres de notre conseil d'administration ne sont d'ailleurs pas Egyptiens.

Nous avons été créés en 1979 en vertu d'un accord entre l'organisation juridique et consultative pour les pays d'Asie et d'Afrique (AALCO), l'arme juridique du mouvement des non-alignés, et la République arabe d'Egypte. L'idée était que les pays d'Afrique et d'Asie se dotent de centres d'arbitrage bénéficiant d'une bonne pratique arbitrale comparable à celles de la CCI (NDLR : Chambre de Commerce internationale) à Paris et de la LCIA (Cour d'arbitrage international) à Londres. En 1978 un centre a été créé à Kuala-Lumpur et trois mois après en janvier 1979, un autre a vu le jour au Caire. Aujourd'hui, il existe cinq centres de l'AALCO avec Lagos depuis 1992, Téhéran depuis trois ans, et Nairobi ouvert en 2016. Ces trois traitent peu d'affaires.

Plus de 1200 affaires traitées

Comment expliquez-vous ce faible nombre d'affaires traitées ?

I.S. : Il a fallu quatorze ans au centre du Caire pour bien fonctionner. Les entreprises doivent faire confiance au centre et insèrent petit à petit dans leurs contrats les clauses d'arbitrage qui prévoient qu'en cas de litige ils aient recours à l'arbitrage en vertu du règlement du centre concerné. Ce processus prend du temps.

Que représente le centre du Caire en nombre de dossiers traités ?

I.S. : Au début nous ne traitions que trois affaires par an en moyenne. Puis de 1993 à 2003 nous sommes passés à trente. En 2016, nous avons enregistré quatre-vingt quatorze nouvelles affaires et à ce jour, depuis notre création, nous avons dépassé le seuil de 1 200 affaires administrées avec nos vingt-cinq permanents. Nous sommes classés parmi les vingt plus grands centres mondiaux.

Quel est votre périmètre géographique ?

I.S. : Le CRCICA traite des contrats exécutés en Egypte mais dont les parties sont des sociétés étrangères, des cinq continents. D'autres s'exécutent en dehors de l'Egypte dans le domaine régional et notamment dans les pays du Golfe et il se peut aussi qu'il y ait quelques cas de contrats même en dehors de la région Mena. Nous avons l'ambition d'aller au-delà. Nous avons des parties américaines, européennes et asiatiques et des arbitres du monde entier qui siègent chez nous, donc rien ne nous empêche de traiter des contrats en dehors de notre région.

Vous n'avez pas cité le Maghreb ?

I.S. : Il existe un centre tunisien à Tunis qui a connu des hauts et des bas, surtout après la révolution, mais le Maghreb est dominé par la CCI de Paris.

Mais avez-vous l'ambition de travailler avec le Maghreb ?

I.S. : Le Maroc dispose aussi d'un centre résultat de la fusion de deux autres et veut aussi rayonner sur le Maghreb. Notre but est de contribuer à ce marché avec une petite part. Nous ne pourrons pas remplacer la CCI, mais notre dimension, notre expérience, nous permet de convoiter le Maghreb.

Un règlement en Français

Ismail Selim entouré de Madame le Bâtonnier du barreau de Marseille Geneviève Maillet et Christian Apothéloz, organisateur de la manifestation, ainsi que des avocats marseillais (photo F.Dubessy)
Ismail Selim entouré de Madame le Bâtonnier du barreau de Marseille Geneviève Maillet et Christian Apothéloz, organisateur de la manifestation, ainsi que des avocats marseillais (photo F.Dubessy)
Quels sont les pays méditerranéens où les entreprises recourent le plus facilement à l'arbitrage commercial ?

I.S. : En Méditerranée, la France reste le plus grand siège de l'arbitrage. Paris est le plus grand du monde avec Genève, viennent ensuite Londres puis New York. Ca bouge aussi en Italie avec la Chambre de Milan, à Madrid, et des essais se poursuivent en Turquie. Le centre régional du Caire a d'ailleurs une taille comparable à celui de Milan. Selon un rapport d'évaluation de la Banque africaine de développement, "le Crcica est l'un des meilleurs centres d'arbitrage sur le continent africain et ses services peuvent aisément être recommandés par les parties originaires du continent africain et d'ailleurs".

Quel est l'avenir de l'arbitrage en Méditerranée ?

I.S. : il existe une coopération méditerranéenne avec en 2014 l'organisation d'une conférence pour la communauté euroméditerranéenne de l'arbitrage à Marseille puis l'année suivante au Caire et en janvier 2017 une à Milan. Nous avons découvert une volonté de la CNUDCI (NDLR : Conférence des Nations Unies pour le droit et le commerce international) d'élargir cette communauté jusqu'à Bahreïn qui accueillera la prochaine conférence en novembre 2017. 

Vous avez entamé une francisation du centre du Caire pourquoi ?

I.S. : Mon prédécesseur Mohamed Abdel Raouf, aujourd'hui président de notre Comité consultatif, est francophone, il enseigne à la Sorbonne au Caire comme moi. Il avait comme ambition de sortir un règlement en Français car le centre opère en Anglais depuis trente-huit ans. Je lui avais promis de le faire ainsi qu'au Conseil d'administration.

Et vous avez tenu votre promesse ?

I.S. : Oui, je l'ai fait ! J'ai pris mon poste de directeur le 1er janvier 2017 et le 31 mars 2017 nous publiions le premier règlement en Français du centre d'arbitrage du Caire. Avant, il n'était qu'en Arabe et en Anglais. Je veux poursuivre dans cette voie avec la traduction d'autres textes et règlements, notamment celui portant sur la médiation. Même si nous n'allons jamais dépasser l'Anglais, il faut veiller à ce que le Français ne disparaisse pas de l'arbitrage car, actuellement, il régresse de plus en plus. D'où l'importance de former une communauté d'arbitrage en Français.

Comment compter vous procéder ?

I.S. : Les entreprises françaises qui travaillent ou investissent en Egypte bénéficient de contrats en Anglais. Et l'arbitrage se déroule en Anglais. J'entends faire grandir la taille de l'arbitrage en Français. Le 9 janvier 2018 nous tiendrons, à mon initiative, une conférence au Caire sur le Français comme langue de l'arbitrage. Nous voulons former de plus en plus d'arbitres de langue française et le centre du Caire va y contribuer. Je vais notamment proposer aux avocats du Sud de la France une formation à l'arbitrage. Le Nord du pays n'a pas vraiment besoin de nous avec la CCI. Dans le même sens, nous allons aussi nous tourner vers l'Afrique. Mon prédécesseur l'avait commencé, je vais intensifier cette coopération. J'ai débuté avec le Cameroun et je frappe la porte de la Côte d'Ivoire.




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