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Grève générale au Maroc le 29 octobre 2014


Rédigé par , le Lundi 27 Octobre 2014 - Lu 6067 fois

Quatre des cinq plus grandes centrales syndicales marocaines organiseront une grève générale le 29 octobre. Focalisée sur la réforme des retraites, elle ne devrait avoir que peu d’effet sur l’activité économique et la paix sociale.


Les syndicats demandent notamment l'application des accords signés avec l'actuel gouvernement le 26 avril 2011, dans le sillion des révolutions arabes et du Mouvement du 20 février au Maroc. (photo: UMT)
Les syndicats demandent notamment l'application des accords signés avec l'actuel gouvernement le 26 avril 2011, dans le sillion des révolutions arabes et du Mouvement du 20 février au Maroc. (photo: UMT)
MAROC. « Nous espérons une mobilisation de près de 80% », indique Mbark Moutaoukil, membre du bureau exécutif de la Confédération démocratique du travail (CDT). Mercredi 29 octobre 2014, les quatre centrales syndicales UMT, FDT, CDT et UGTM vont bander les muscles face au gouvernement islamiste PJD d’Abdelilah Benkirane. En jeu, l’influence des syndicats et la réforme de la caisse des retraites. « Le gouvernement ne nous a reçu que deux fois depuis le début de son mandat. La dernière, c’était il y a plus d’un an », accuse Mbark Moutaoukil, alors qu’il doit traditionnellement accueillir les syndicats la veille du 1er mai et en septembre. »

« Le gouvernement doit ouvrir des négociations collectives tri-partites ; associer les centrales syndicales aux réformes sociales », demande  Abderrahmane Hachemi, membre de la FDT. « Nous sommes à la veille des élections [ndlr : celles de la Chambre des conseillers auront lieu en 2015, puis les législatives en 2016]. Les syndicats doivent montrer leur force au gouvernement. Ils ont raison de le faire, sans cela, le gouvernement ne les écoutera pas », souligne Abderrahmane Rachik, sociologue spécialiste des mouvements protestataires, enseignant chercheur à l’Université Hassan II de Mohammedia.

Pour s’assurer le succès le plus large possible, quatre des cinq plus grandes centrales syndicales se sont associées. Elles ne pourront toutefois pas compter sur le soutien l’UNTM, le syndicat affilié directement au PJD, le parti à la tête du gouvernement.

La retraite à 65 ans ?

Les tensions entre le gouvernement et les syndicats se sont cristallisées, en cette rentrée, sur la réforme du régime de la Caisse Marocaine des Retraites (CMR) qui gère les pensions des militaires et des fonctionnaires. Un rapport de la Cour des comptes, publié voici un an, alertait sur la situation de l’ensemble des caisses de retraites marocaines. La CMR est déficitaire depuis cette année. « La commission Jettou [ndlr :Driss Jettou, président de la Cour des comptes] a beaucoup réfléchi à la réforme du système des retraites. Ses membres ont voyagé dans plusieurs pays pour comparer les systèmes, mais, au lieu d’en tenir compte, Abdelilah Benkirane a tout décidé tout seul », regrette Mbark Moutaoukil.

Début août 2014, le gouvernement a soumis son projet de loi à l’avis du Conseil économique social et environnemental. Il souhaite faire passer l’âge de départ en retraite de 62 à 65 ans, le taux de cotisation sur le revenu de 10 à 15%. Il veut également réduire les retraites en modifiant leur mode de calcul. « Nous comprenons qu’il y ait des problèmes, mais le gouvernement doit adopter un point de vue global de la question. Il faut prendre en compte les équilibres financiers mais aussi le pouvoir d’achat et les conditions de vie des fonctionnaires », soutient Abderrahmane Hachemi.

Le gouvernement menaçant

L'UMT, la CDT et la FDT ont été les premières à lancer l'appel à une grève générale mercredi. Elles ont été rejointes par l'UNTM, affiliée au parti de l'Istiqlal. (photo: UMT)
L'UMT, la CDT et la FDT ont été les premières à lancer l'appel à une grève générale mercredi. Elles ont été rejointes par l'UNTM, affiliée au parti de l'Istiqlal. (photo: UMT)
Le gouvernement a opposé depuis l’annonce de la grève, voici deux semaines, une fin de non-recevoir aux syndicats. Mustapha El Khalfi, ministre marocain de la communication et porte-parole du gouvernement, a clairement expliqué, jeudi 23 octobre 2014, lors d'un point de presse tenu à l'issue du Conseil de gouvernement, que « les motivations de cette grève ne sont pas compréhensibles, puisque le gouvernement s'attèle à l'exécution de ses engagements, dans le cadre du dialogue social et que la question de la réforme des régimes de retraite n'est toujours pas tranchée. »

« Le gouvernement n'acceptera aucune atteinte au fonctionnement des services publics et s'acquittera de son devoir de garantir la continuité des services sociaux », a même menacé le porte-parole. « La réaction du gouvernement est négative. Nous recherchons la stabilité de notre pays. C’est lui, le gouvernement qui l’altère en mettant en place une politique impopulaire », se défend Abderrahmane Hachemi. Le mot stabilité a un poids considérable dans un pays où elle est vertu nationale et condition sine qua non de tous les soutiens internationaux au Maroc.

Protestations mulitpliées par 26 en 7 ans

De fait, le gouvernement n’a pas peur de cette grève générale et sa réaction le prouve. Le taux de syndicalisation demeure très faible au Maroc : entre 6 et 10% des travailleurs. « Sous un régime autoritaire, comme l’était celui du Maroc en 1981, l’annonce d’une grève générale était synonyme d’émeutes et d’instabilité, rappelle Abderrahmane Rachik, en référence aux « émeutes du pain ». Entre 2005 et 2012, le nombre de protestations dans l’espace public a été multiplié par vingt-six avec l’ouverture du système politique et l'engagement de réformes, révèle-t-il dans son étude « Les mouvements sociaux au Maroc de l’émeute à la manifestation », publié au printemps 2014. « Tout Etat qui fonctionne mal et se réforme doit s’attendre à des contestations. Les réformes suscitent des attentes et donc des frustrations qui expliquent l’augmentation du nombre de protestations », analyse le sociologue. La multiplication des manifestations et des mouvements protestataires a doublement dilué l’influence des syndicats.

Seules les protestations inorganisées et situées dans les régions périphériques du pays, en particulier lorsqu’elles sont liées à la hausse des prix de première nécessité, font encore peur au pouvoir. Le chef du gouvernement s’est ainsi insurgé sur les éventuels dépassements de tarifs sur les factures d’électricité, devant le parlement le 21 octobre 2014, suite à des manifestations à Tétouan, Fès et Er-rich. Il également réussit à empêcher la hausse des prix du pain annoncé mi-octobre par la Fédération nationale des boulangers et des pâtissiers.




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