
Le président du gouvernement espagnol Mariano Rajoy et le député indépendantiste Alfred Bosch (ERC) (photo CC-Contando Estrelas et CC-Press Cambrabcn)
ESPAGNE. « Oui ou non ? » La forme même de la question que veulent imposer les défenseurs du « droit à l'autodétermination de la Catalogne » illustre le clivage de plus en plus sensible avec l’État espagnol. La Catalogne et le reste de l'Espagne sont-elles au bord de la rupture ? C'est tout cas le sens du référendum que veut imposer le président de la Generalitat, Artur Mas.
Le représentant du parti de centre-droit « Convergencia i Unio » a été élu en novembre 2012 à la tête du Govern (parlement régional) avec l'appui des élus d'Esquerra Republicana de Catalunya (ERC), clairement ancrés à gauche, et farouchement indépendantistes depuis toujours. Cette alliance, qui pouvait apparaître comme le mariage de la carpe et du lapin, a trouvé un ciment dans les revendications d'indépendance. À défaut de programme commun, la date du fameux référendum a été fixée au 9 novembre 2014.
Ce jour-là les Catalans seront invités à répondre « oui ou non » à une question en deux parties : « Voulez-vous que la Catalogne devienne un État ? Si oui, voulez-vous que cet État soit indépendant ? ». Seul problème, mais de taille : le gouvernement central de Madrid de veut pas entendre parler d'un tel vote, qualifié d'anticonstitutionnel par le président du gouvernement, Mariano Rajoy. Les indépendantistes catalans ne peuvent même pas compter sur une alternative politique au sein du Congreso (parlement espagnol), puisque le PSOE, principal parti d'opposition, refuse dans les mêmes termes d'envisager ce type de scrutin.
Le représentant du parti de centre-droit « Convergencia i Unio » a été élu en novembre 2012 à la tête du Govern (parlement régional) avec l'appui des élus d'Esquerra Republicana de Catalunya (ERC), clairement ancrés à gauche, et farouchement indépendantistes depuis toujours. Cette alliance, qui pouvait apparaître comme le mariage de la carpe et du lapin, a trouvé un ciment dans les revendications d'indépendance. À défaut de programme commun, la date du fameux référendum a été fixée au 9 novembre 2014.
Ce jour-là les Catalans seront invités à répondre « oui ou non » à une question en deux parties : « Voulez-vous que la Catalogne devienne un État ? Si oui, voulez-vous que cet État soit indépendant ? ». Seul problème, mais de taille : le gouvernement central de Madrid de veut pas entendre parler d'un tel vote, qualifié d'anticonstitutionnel par le président du gouvernement, Mariano Rajoy. Les indépendantistes catalans ne peuvent même pas compter sur une alternative politique au sein du Congreso (parlement espagnol), puisque le PSOE, principal parti d'opposition, refuse dans les mêmes termes d'envisager ce type de scrutin.
Dialogue de sourds

Manifestation pour l'autodétermination dans les rues de Barcelone le 11 septembre 2013 (photo Francis Matéo)
Cependant, en fixant la date et les termes du référendum, le président de la Generalitat de Catalogne s'engage dans une voie qui exige une solution politique. Car les élus indépendantistes s'opposent désormais farouchement à reculer. D’abord parce qu'ils ont été échaudés par le dialogue de sourds avec le pouvoir central au cours des dernières années. L'épisode le plus traumatisant ayant été le recadrage du Conseil Constitutionnel, qui retirait en 2008 le statut de « nation » à la Catalogne, malgré son approbation deux ans auparavant par un double vote, dans la région comme au parlement espagnol. Depuis, le sentiment indépendantiste ne cesse de croître en Catalogne. Pour preuves : les résultats des dernières élections et les manifestations massives du 11 septembre (journée « nationale » catalane), en 2012 et 2013.
Envisager une nouvelle négociation aujourd'hui avec l’État central ? « Il est dix fois trop tard », répond Alfred Bosch, député catalan d'ERC : « Il n'existe désormais plus d'alternative au référendum, et si le vote est illégal, il faudra bien changer la loi, car dans aucune démocratie au monde, il n'est illégal de voter. » Objectif de cette rhétorique : obtenir de Madrid le transfert de compétences (selon l'article 150.2 de la constitution espagnole) pour l’organisation du référendum d'autodétermination. La ferme opposition du président du gouvernement espagnol rendant cette option inenvisageable, il demeure probable que les tenants de l'autodétermination maintiendront un scrutin sous forme de « consultation » (appellation tout autant réprouvée par Madrid). À moins que la confrontation n'aboutisse à de nouvelles élections régionales anticipées en Catalogne, qui se transformeraient alors en plébiscite sur l'indépendance.
Envisager une nouvelle négociation aujourd'hui avec l’État central ? « Il est dix fois trop tard », répond Alfred Bosch, député catalan d'ERC : « Il n'existe désormais plus d'alternative au référendum, et si le vote est illégal, il faudra bien changer la loi, car dans aucune démocratie au monde, il n'est illégal de voter. » Objectif de cette rhétorique : obtenir de Madrid le transfert de compétences (selon l'article 150.2 de la constitution espagnole) pour l’organisation du référendum d'autodétermination. La ferme opposition du président du gouvernement espagnol rendant cette option inenvisageable, il demeure probable que les tenants de l'autodétermination maintiendront un scrutin sous forme de « consultation » (appellation tout autant réprouvée par Madrid). À moins que la confrontation n'aboutisse à de nouvelles élections régionales anticipées en Catalogne, qui se transformeraient alors en plébiscite sur l'indépendance.
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Sentiment d'injustice fiscale
En attendant, les contempteurs de l'autodétermination font aussi entendre leur voix, y compris en Catalogne, où le président de l'association Convivencia Civica Catalana, Francisco Caja, a présenté une étude inquiétante sur les perspectives économiques d'une éventuelle indépendance. Ce professeur de l'Université de Barcelone (UB) affirme que l'indépendance signifierait la chute de 20% du PIB de la Catalogne, et provoquerait une flambée du chômage : « Une Catalogne indépendante serait viable, mais appauvrirait tous les Catalans ». Un argument réfuté par son confrère de l'université Pompeu Fabra de Barcelone, Xavier Cuadras Morató : « Le système fiscal espagnol ampute chaque année la Catalogne de 16 mrds €, soit 8% de son PIB, alors que cette enveloppe permettrait largement de couvrir notre déficit fiscal de 14 mrds € ». Car si la Generalitat gère directement l'essentiel de ses impôts, une partie est versée au ministère espagnol des Finances, qui se charge de redistribuer les recettes dans l’ensemble des régions d'Espagne... y compris à la Catalogne. La complexité de ce système fiscal et le sentiment d'injustice qui en découle en Catalogne ne sont d'ailleurs pas étrangers la montée de l’indépendantisme.

Les produits catalans mis à l'index, comme ici ans une enseigne de distribution espagnole (photo DR)
Risque d'exclusion de l'Union Européenne
Mais le grand argument des opposants aux aspirations indépendantistes reste le risque d'exclusion de l'Union Européenne, et donc d'isolement de la Catalogne. Francisco Caja prend en exemple les cas de la Tchéquie, la Slovaquie, la Slovénie, la Croatie et des pays baltes pour affirmer que « l'indépendance de la Catalogne provoquerait une chute de 50% de ses échanges commerciaux avec le reste de l'Espagne.»
Loin de toute « politique-fiction », Maryse Olivé Quintana se place de son côté sur un plan plus immédiat et plus pragmatique en tant déléguée de la Generalitat à Paris (pour la France et la Suisse) : « Le véritable débat à l’ordre du jour, c'est le renforcement des relations transfrontalières de la Catalogne, à commencer évidemment par la France, notre premier partenaire pour un secteur aussi important que le tourisme. » La crise économique a certes obligé à mettre entre parenthèse le chantier de l’Euro-district, visant à renforcer les liens entre Catalans du sud et du nord des Pyrénées (échanges entre universités, collaboration entre collectivités locales...). Mais les progrès en matière d'infrastructures se poursuivent, comme en témoigne l'inauguration du TGV trans-pyrénéen, qui place Perpignan à une heure seulement de Barcelone. Et c'est sans doute l'un des moyens les plus efficaces pour sceller la coopération économique.
Demain, le « corridor Méditerranéen » doit encore intensifier les échanges et renforcer la position centrale de la Catalogne en Méditerranée, entre la France et l'Espagne, entre le Maghreb et le nord de l'Europe. C'est dire l'enjeu du débat entre Barcelone et Madrid. C'est dire aussi l'ampleur du gâchis prévisible si les deux capitales ne parviennent pas trouver une solution politique.
Loin de toute « politique-fiction », Maryse Olivé Quintana se place de son côté sur un plan plus immédiat et plus pragmatique en tant déléguée de la Generalitat à Paris (pour la France et la Suisse) : « Le véritable débat à l’ordre du jour, c'est le renforcement des relations transfrontalières de la Catalogne, à commencer évidemment par la France, notre premier partenaire pour un secteur aussi important que le tourisme. » La crise économique a certes obligé à mettre entre parenthèse le chantier de l’Euro-district, visant à renforcer les liens entre Catalans du sud et du nord des Pyrénées (échanges entre universités, collaboration entre collectivités locales...). Mais les progrès en matière d'infrastructures se poursuivent, comme en témoigne l'inauguration du TGV trans-pyrénéen, qui place Perpignan à une heure seulement de Barcelone. Et c'est sans doute l'un des moyens les plus efficaces pour sceller la coopération économique.
Demain, le « corridor Méditerranéen » doit encore intensifier les échanges et renforcer la position centrale de la Catalogne en Méditerranée, entre la France et l'Espagne, entre le Maghreb et le nord de l'Europe. C'est dire l'enjeu du débat entre Barcelone et Madrid. C'est dire aussi l'ampleur du gâchis prévisible si les deux capitales ne parviennent pas trouver une solution politique.