
Ligne d'immeubles en front de mer, le projet immobilier Bab El Bahr n'a pour l'heure pas grand chose à voir avec les images de synthèse idylliques vendues aux futurs riches propriétaires. (photo: Bab El Bahr Company)
MAROC. L’Agence d’aménagement de la vallée du Bouregreg (AAVB) ne conserve plus que 9% du capital de Bab El Bahr Company, devenue Marina Morocco. Début septembre 2015, elle a vendu 41% de capital de la société immobilière à Eagle Hills d’Abu Dhabi, société-mère de Al Maabar International, propriétaire des 50% restant de Bab El Bhar Company. « Le fruit de cette transaction […] vient renforcer la capacité d’autofinancement de l’établissement public. Cette cession est en ligne avec le modèle financier de l’agence basé sur le principe de la péréquation foncière et immobilière, permettant de tirer profit des plus-values engendrées par les actes d’aménagement d’envergure consentis par l’établissement public depuis le démarrage de ses activités en juin 2006 », indique l’Agence dans son communiqué.
Livrable à l'horizon 2026, le projet d’aménagement de l’embouchure du fleuve Bouregreg mené par l’Agence sur volonté royale demeure colossal : théâtre, marina, ponts, tunnel, complexes immobiliers ... Il couvre 6 000 hectares entre la capitale Rabat et sa jumelle déshéritée Salé, pour un budget total prévu de 598 M€ (6,5 milliards de dirhams) sans compter la mise en place du tramway (qui a coûté 3,8 milliards de dirhams soit 349 M€), partie intégrante du projet, et l’achat du foncier. Tout le montage financier est basé sur une idée simple : l’Etat s’occupe d’assainir le foncier, de réaliser les infrastructures valorisant le site et se rémunère ensuite pour poursuivre l’aménagement en vendant les terrains à des sociétés immobilières privées. « Dans le montage financier, nous avions prévu que le projet allait s’équilibrer au bout de cinq ans en mobilisant le foncier », rappelait Abdessamad Sekkal, directeur de l’urbanisme à l'AAVB, lors d’une conférence jeudi 17 septembre 2015, à l’Institut national d’aménagement et d’Urbanisme. Erreur !
Livrable à l'horizon 2026, le projet d’aménagement de l’embouchure du fleuve Bouregreg mené par l’Agence sur volonté royale demeure colossal : théâtre, marina, ponts, tunnel, complexes immobiliers ... Il couvre 6 000 hectares entre la capitale Rabat et sa jumelle déshéritée Salé, pour un budget total prévu de 598 M€ (6,5 milliards de dirhams) sans compter la mise en place du tramway (qui a coûté 3,8 milliards de dirhams soit 349 M€), partie intégrante du projet, et l’achat du foncier. Tout le montage financier est basé sur une idée simple : l’Etat s’occupe d’assainir le foncier, de réaliser les infrastructures valorisant le site et se rémunère ensuite pour poursuivre l’aménagement en vendant les terrains à des sociétés immobilières privées. « Dans le montage financier, nous avions prévu que le projet allait s’équilibrer au bout de cinq ans en mobilisant le foncier », rappelait Abdessamad Sekkal, directeur de l’urbanisme à l'AAVB, lors d’une conférence jeudi 17 septembre 2015, à l’Institut national d’aménagement et d’Urbanisme. Erreur !
"Un foncier de mauvaise qualité"
Au terme du premier contrat-programme, « en 2011-2012, l’agence tournait au ralenti, faute de financement. L’Etat honorait ses engagements, mais, pour les collectivités territoriales c’était moins sûr », assure le directeur, confiant désormais dans sa capacité à mobiliser les collectivités territoriales en sa qualité de nouveau président de la Région Rabat-Salé Zemour Zaer. À cette date, l’Etat a déjà investi 718 M€ (7,782 milliards de dirhams) dans la viabilisation des terrains de Bab el Bahr, la construction du pont Hassan II, le tunnel des Oudayas et le tramway.
L’assainissement du foncier, la viabilisation des terrains, se sont révélés extrêmement coûteux. L'environnement naturel du site - le lit du Bouregreg - n'est pas propice à la construction. « Le foncier est de mauvaise qualité, il nous oblige à construire des fondations spéciales qui élèvent le mètre carré constructible à 500 dh/m² d’emblée. S’ajoute le risque d’inondation qui nous oblige à surélever les terrains de plusieurs mètres », explique Abdessamad Sekkal.
L’assainissement du foncier, la viabilisation des terrains, se sont révélés extrêmement coûteux. L'environnement naturel du site - le lit du Bouregreg - n'est pas propice à la construction. « Le foncier est de mauvaise qualité, il nous oblige à construire des fondations spéciales qui élèvent le mètre carré constructible à 500 dh/m² d’emblée. S’ajoute le risque d’inondation qui nous oblige à surélever les terrains de plusieurs mètres », explique Abdessamad Sekkal.
Départ de l'investisseur Sama Dubaï

Le fonds Sama Dubaï abandonne l'aménagement immobilier de la deuxième séquence du projet en 2008. Elle ne sera reprise que début 2014 avec le fonds mixte Wessal Capital. (photo: Sama Dubaï)
Ces terrains sont la propriété de l’Etat, mais aussi de particuliers. « Bien que toute la zone du projet ait été déclarée d’office d’utilité publique, la procédure d’expropriation simplifiée et le prix des terrains fixés sur ceux de 2005 pour éviter la spéculation, nous avons eu bien des difficultés lors des expropriations devant les tribunaux qui prennent les estimations des experts pour argent comptant », raconte-il.
Côté ressource, l’Agence a souffert du départ de l’investisseur Sama Dubaï qui avait la charge de la partie immobilière de la séquence II, « Amwaj » ou Al Saha al kabira. « L’Etat a vendu le terrain qu’il avait libéré à Sama Dubaï pour une somme modique, en contrepartie, les Emiratis devaient mettre 55,1 M€ (600 millions de dirhams) dans la construction du pont Hassan II. Nous avons connu un fort conflit avec eux, et la crise financière de 2008 a fini de mettre à un terme à notre partenariat, […] Les investisseurs émiratis sont difficiles à gérer », assure le directeur.
Côté ressource, l’Agence a souffert du départ de l’investisseur Sama Dubaï qui avait la charge de la partie immobilière de la séquence II, « Amwaj » ou Al Saha al kabira. « L’Etat a vendu le terrain qu’il avait libéré à Sama Dubaï pour une somme modique, en contrepartie, les Emiratis devaient mettre 55,1 M€ (600 millions de dirhams) dans la construction du pont Hassan II. Nous avons connu un fort conflit avec eux, et la crise financière de 2008 a fini de mettre à un terme à notre partenariat, […] Les investisseurs émiratis sont difficiles à gérer », assure le directeur.
L'Etat perd 25% de son investissement dans Bab El Bahr
Al Maabar, le deuxième grand investisseur emirati chargé de la partie immobilière de la première séquence – le complexe immobilier de Bab El Bahr - a mené son projet à bien en coentreprise avec l’Agence via Bab El Bahr Company. Il reste difficile de savoir si l’Agence a réussi, comme prévu dans le montage financier, une plus-value sur la vente des terrains dont la viabilisation a été coûteuse. En vendant 41% de Marina Morocco, il demeure cependant certain que l’Agence retire moins que sa mise de départ : elle a vendu début septembre ses parts 39,4 M€ (428 millions de dirhams), alors qu’elle y avait placé 52,8 M€ (574 millions de dirhams) en 2008, soit une perte de plus de 25%.
Bab El Bahr Company, devenue Marina Morocco, a commencé la commercialisation des premiers logements en février 2010. Six ans plus tard, elle ne sera pas encore achevée. « Nous avons prévu des logements de haut standing or nous savons tous que, depuis 2008 sur Rabat, il ne faut trop livrer de foncier sur le marché parce que sa capacité d’absorption est limitée. Nous sommes obligé d’opérer progressivement », explique Abdessamad Sekkal. Un constat douloureux au vu de la nature même du programme : la totalité de l’immobilier de la zone, y compris pour les séquences dont l'aménagement n'a pas commencé, se veut haut-standing.
Bab El Bahr Company, devenue Marina Morocco, a commencé la commercialisation des premiers logements en février 2010. Six ans plus tard, elle ne sera pas encore achevée. « Nous avons prévu des logements de haut standing or nous savons tous que, depuis 2008 sur Rabat, il ne faut trop livrer de foncier sur le marché parce que sa capacité d’absorption est limitée. Nous sommes obligé d’opérer progressivement », explique Abdessamad Sekkal. Un constat douloureux au vu de la nature même du programme : la totalité de l’immobilier de la zone, y compris pour les séquences dont l'aménagement n'a pas commencé, se veut haut-standing.
Les barcassiers protestent

L'agence d'aménagement de la vallée du Bouregreg n'a jamais voulu associer les pêcheurs et les barcassiers du fleuve au projet. (photo: AAVB)
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Dans quelle mesure un projet conçu pour les riches, dans un marché de l’immobilier en berne, s’intègre-t-il dans le tissu économique local modeste voire pauvre pour créer une dynamique ? Pour réaliser les complexes immobiliers de Bab El Bhar, l'AAVB a procédé, durant les mois d’avril et de mai 2006, à la construction d’un nouveau petit port de pêche artisanale à l’écart.
« Les acteurs locaux ont été volontairement marginalisés au nom de l’efficacité, mais pendant l’enquête d’utilité publique qui ne se voulait que formelle, les pêcheurs et les barcassiers [NDLR : conducteurs de barques reliant les deux rives] qui travaillaient dans l’estuaire se sont opposés à l’Agence. Les pêcheurs se sont plaints du nouveau quai trop incliné et du bassin trop étroit pour leur centaine de barques. Les barcassiers ont dû cesser complètement leur activité et ont pu arracher des indemnités à l’Agence », raconte Hicham Mouloudi, enseignant à l’École normale supérieure de Rabat.
« Les acteurs locaux ont été volontairement marginalisés au nom de l’efficacité, mais pendant l’enquête d’utilité publique qui ne se voulait que formelle, les pêcheurs et les barcassiers [NDLR : conducteurs de barques reliant les deux rives] qui travaillaient dans l’estuaire se sont opposés à l’Agence. Les pêcheurs se sont plaints du nouveau quai trop incliné et du bassin trop étroit pour leur centaine de barques. Les barcassiers ont dû cesser complètement leur activité et ont pu arracher des indemnités à l’Agence », raconte Hicham Mouloudi, enseignant à l’École normale supérieure de Rabat.

La construction du Grand théatre de Rabat est au coeur de la volonté royale de faire de Rabat, la "capitale marocaine de la culture". (photo: AAVB)
Malgré l’inadéquation économique du projet avec son environnement, la même recette continue de s’appliquer. « En novembre 2011, le Fonds Wessal Capital a été créé autour d’un capital de 2 M€ engagé sur dix ans et également réparti entre le FMDT (NDLR : Fonds marocain du développement du tourisme) et les fonds souverains des Émirats du Qatar et du Koweit, - rejoint en 2014 par le fonds public d’investissement d’Arabie Saoudite », rappelle Tarik Senhaji, directeur général du FMDT, fier d’être parvenu à associer plusieurs fonds souverains de différents pays du Golfe.
Ce fonds est présenté comme le financeur de la séquence II Al Saha Al Kabira - celle qui avait été abandonnée par Samia Dubaï – où se situeront à terme : le Grand théâtre de Rabat, un musée d’archéologie et de science, la bibliothèque nationale des archives et une maison de la culture. « Le terrain du Grand Théatre et celui du musée archéologique ont été acheté par Wessal Capital, charge à la société de développement locale Bouregreg Culture de construire le bâtiment et de l’habiter », précise Tarik Senhaji. Cette société, filiale récente de l’AAVB, a été créée en avril 2015 et bénéficiera d’un capital initial de 27,6 M€ (300 millions de dirhams). Ces aménagements devraient créer une dynamique culturelle, mais difficile d'appréhender les bénéfices pour l’économie du site.
Ce fonds est présenté comme le financeur de la séquence II Al Saha Al Kabira - celle qui avait été abandonnée par Samia Dubaï – où se situeront à terme : le Grand théâtre de Rabat, un musée d’archéologie et de science, la bibliothèque nationale des archives et une maison de la culture. « Le terrain du Grand Théatre et celui du musée archéologique ont été acheté par Wessal Capital, charge à la société de développement locale Bouregreg Culture de construire le bâtiment et de l’habiter », précise Tarik Senhaji. Cette société, filiale récente de l’AAVB, a été créée en avril 2015 et bénéficiera d’un capital initial de 27,6 M€ (300 millions de dirhams). Ces aménagements devraient créer une dynamique culturelle, mais difficile d'appréhender les bénéfices pour l’économie du site.