
econostrum.info : Que représente votre association ?
Abdul Nasser Al Najah : Créée après la transition de la Libye, elle est constituée de patrons de petites et moyennes entreprises. Cette association se développe et espère en la démocratie, les droits de l'homme, la protection de l'environnement, et la transparence.
Nous travaillons comme une plate-forme. Avec l'Espagne, nous voulons créer un Conseil de coopération espagnol-libyen pour le commerce et l'investissement (SLCCIT). Il sera lancé prochainement avec le CEOE Internacional et disposera de bureaux en Espagne et en Libye. Il organisera annuellement un forum économique dans chaque pays. Il assurera la promotion et l'organisation de relations d'affaires. Le SLCCIT publiera également des rapports sur l'investissement, le climat des affaires avec des options de projets. Parallèlement, le Conseil espagnol-libyen encouragera les relations entre villes, comme par exemple entre Barcelone et Tripoli, pour faciliter les transports, notamment les liaisons aériennes, mais aussi la logistique. Il aidera à positionner l'Espagne comme porte d'accès aux marchés latinos-américains et la Libye comme porte d'accès à l'Afrique.
Je suis ici pour parler du rôle de notre association. Nous voulons montrer que les Libyens relèvent la tête même si notre pays se trouve aujourd'hui dans le chaos.
Vous avez deux gouvernements et...
Abdul Nasser Al Najah : (il coupe) Oui, mais nous restons confiant dans l'établissement de la démocratie. Nous sommes bien organisés, le secteur privé n'est pas sous le contrôle du gouvernement, donc nous restons neutres. Les opportunités de changement existent et passeront par le secteur privé.
La France ne s'implique pas
Abdul Nasser Al Najah : Pour la Libye, l'Espagne propose un rapport qualité-prix de ses produits très compétitif. Mais, nous devons aussi considérer l'aspect logistique. Beaucoup trop cher, car, il faut inclure les assurances... Il n'existe pas de commerce très organisé en Libye. Des bateaux partent chercher des produits en dehors de la Libye pour bénéficier de prix plus bas. Ils s'approvisionnent dans des pays comme la Turquie qui créent, avec l'aide de leurs gouvernements, des facilités logistiques.
L'Espagne ne peut pas lutter sur ce terrain. Mais la Libye a également besoin de produits aux normes européennes, donc de qualité. Nous sommes très regardants, et du coup inquiets, sur les marchandises qui entrent actuellement dans notre pays et ne sont pas de bonne facture. Nous désirons donc travailler avec des pays comme l'Espagne.
Et pas la France ? Ce pays paraissait pourtant très ami avec la Libye depuis la révolution mais vous préférez vous tourner vers l'Espagne ?
Abdul Nasser Al Najah : Aujourd'hui, les Libyens accueillent toutes les personnes qui veulent agir pour notre pays. Et la France n'est pas présente dans ce domaine ! Les Italiens, eux, le sont au niveau diplomatique. La seule ambassade ouverte, ou plutôt qui travaille en pleine capacité, reste l'ambassade italienne qui essaie de créer des courants d'affaires, entre nos deux pays.
La France ne s'implique pas beaucoup dans l'économie et le développement de la Libye. Je ne veux pas dire qu'ils ont loupé le train mais, nous n'en sommes pas loin ! Regardez nos voisins, comme la Tunisie, l'Algérie, le Niger, le Tchad, ils sont tous connectés avec la France. Cela s'explique par le fait que les bases de données et les informations sont dans la même langue, le français. Et cette question de langue nous complique la vie pour faire du commerce avec ces pays.
L'argument du problème de langue tient aussi avec l'Espagne ?
Abdul Nasser Al Najah : Oui bien sûr, mais les Espagnols utilisent davantage une seconde langue, l'anglais. Les Français non ! Donc, travailler avec le Maghreb n'est pas si facile pour nous. Quand nous sommes dans des conférences, les Algériens ne font pas leurs discours en arabe mais en français. Et aucun Libyen ne comprend le français. Communiquer devient très difficile. Une recherche par Internet pour mieux connaître un projet en Algérie ou au Maroc ou en Tunisie, ce qui pourrait être très utile, se solde par aucun bénéfice. Car, tout est en français ! Quand vous regardez les universités, l'éducation, tout est en français dans ces pays. Le régime de Kadhafi avait sorti le français de notre enseignement donc, les Libyens ne le pratiquent pas. Ils vont plus vers l'anglais qu'ils entendent dans les films ou lisent dans les journaux et pratiquent quand ils voyagent.
Une zone franche dans le sud
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Abdul Nasser Al Najah : La France pourrait jouer un rôle très positif dans la région du Sud. Les Touaregs et les Toubous respectent la France. S'ils s'entendaient avec l'aide de la diplomatie française, la paix s'instaurerait dans le sud. Une fois assurée la sécurité des territoires des Touaregs et des Toubous, ils pourraient prendre leur part dans le développement économique et l'intégration de la Libye. Des villes comme Ghadames ou Ghat se trouvent à la frontière avec l'Algérie.
Nous réfléchissons à créer une zone franche économique. Les Français pourraient nous aider. Ils connaissent le système, la frontière, l'Algérie, la Tunisie....
A Koufra aussi, la France pourrait jouer un rôle primordial, notamment dans le mines. Il reste encore beaucoup de gisements à découvrir en Libye. Ceci pourrait créer des emplois, mais aussi une situation économique, sociale et sécuritaire meilleure pour la population, principalement des Touaregs. Ils sont Libyens même s'ils ne possèdent pas de passeports libyens. Nous leur devons la sécurité et la France peut y contribuer.
Tout le monde parle de sécurité, comment bâtir une force armée ou une police libyenne... Cela me semble important, mais le défi majeur réside dans le développement du sud de notre pays. Les conférences sur la Libye se concentrent sur la politique. Elles n'apportent rien.
En tant qu'association d'employeurs, nous désirons coopérer avec toutes les organisations en France et mettre sur pied des ateliers de réflexion, de discussions pour tenter de restaurer la paix en Libye à travers le commerce. Cela ne stoppera pas le terrorisme, mais le diminuera. Les Libyens deviendront plus conscients qu'il ne sert à rien de garder des armes alors qu'ils pourraient créer leur propre Pme, participer au développement de leur région.
Etes-vous confiant dans l'avenir de l'économie libyenne ?
Abdul Nasser Al Najah : Tout est possible. La Libye est actuellement un pays peu sûr, confronté au chaos. Mais j'espère que nous pourrons très vite commencer à reconstruire ce pays.