
L'instrument NextGenerationEU fait tomber plusieurs murs (photo : Commission européenne)
UE. Mardi 10 novembre 2020, après dix semaines d’âpres négociations, le Parlement européen et le Conseil européen trouvaient un accord sur le budget long terme (Cadre financier pluriannuel -CFP) pour la période 2021-2027 proposé par la Commission européenne. Doté désormais de 1 800 mrds€, un record, il englobe le financement de l'instrument du plan de relance NextGenerationEU, et l'adoption de fonds additionnels d'un montant de 16 mrds€ pour des programmes clefs destinés à aider les pays de l'UE à amoindrir les conséquences de la crise sanitaire.
Le Parlement voit son rôle accru dans le contrôle du financement de la relance. Il obtient de se réunir régulièrement avec la Commission européenne et le Conseil européen pour évaluer la mise en oeuvre des fonds mis à disposition dans le cadre de NextGenerationEU. "Il s’agit d'un accord gagnant/gagnant", résume Jan Olbrycht, député européen, co-rapporteur du CFP. "Nous avons trouvé une solution pour renforcer les politiques, sans violer l'accord scellé par les dirigeants européens en juillet sur le prochain CFP et le fonds de relance NextGeneration".
"Nous devons à présent poursuivre nos efforts en vue de parvenir à un accord sur le prochain budget à long terme et NextGenerationEU avant la fin de l’année. Les citoyens et les entreprises durement touchés par la crise du coronavirus ont besoin d’aide. Notre plan de relance nous aidera à transformer le défi de la pandémie en une opportunité de relance, sous l'impulsion de la transition verte et numérique", souligne Ursula von der Leyen. Les budgets restent en effet à être voté formellement par le Parlement et le Conseil.
Le Parlement voit son rôle accru dans le contrôle du financement de la relance. Il obtient de se réunir régulièrement avec la Commission européenne et le Conseil européen pour évaluer la mise en oeuvre des fonds mis à disposition dans le cadre de NextGenerationEU. "Il s’agit d'un accord gagnant/gagnant", résume Jan Olbrycht, député européen, co-rapporteur du CFP. "Nous avons trouvé une solution pour renforcer les politiques, sans violer l'accord scellé par les dirigeants européens en juillet sur le prochain CFP et le fonds de relance NextGeneration".
"Nous devons à présent poursuivre nos efforts en vue de parvenir à un accord sur le prochain budget à long terme et NextGenerationEU avant la fin de l’année. Les citoyens et les entreprises durement touchés par la crise du coronavirus ont besoin d’aide. Notre plan de relance nous aidera à transformer le défi de la pandémie en une opportunité de relance, sous l'impulsion de la transition verte et numérique", souligne Ursula von der Leyen. Les budgets restent en effet à être voté formellement par le Parlement et le Conseil.
Le tabou d'une dette communautaire tombe
Rien n’était pourtant gagné d’avance. Lorsque la présidente de la Commission européenne suggère, fin mai 2020, de créer NextGenerationEU, un instrument temporaire de relance de 750 mrds€ destiné à financer les programmes nationaux dans l'ensemble des États membres, elle ne fait pas l'unanimité. Mais, 21 juillet 2020 , elle réussit à décrocher un accord politique avec le Conseil européen sur le train de mesures proposées par ce qu'elle qualifie de "plan Marshall européen".
"Plusieurs murs sont tombés avec un budget en croissance passant de 1,1 à 1,3% du PIB et donc pas d'austérité; un instrument anticyclique dans le budget qui ne se contente plus d'être un budget d'investissement; la continuation des politiques communautaires; et le fait que l'UE doive emprunter, car le budget doit rester à l'équilibre", explique Henry Marty-Gauquié, directeur honoraire de la BEI. Emprunter au nom des États membres pour permettre à ces derniers de bénéficier des taux les plus bas consentis à son institution brise un tabou. "Nous passons d'une dette mutualisée à une dette communautaire", souligne-t-il.
Proposé fin mars 2020, par neuf pays européens, et principalement les trois pays du Sud de l'Europe les plus touchés par la première vague de la Covid-19 (France, Italie et Espagne), la création de "Corona Bonds" permet de s'appuyer sur les excellentes cotations attribuées par les agences de notation à l'Union européenne : AAA par Fitch et par Moody's et Aaa par S&P. Soit les meilleures notes possibles. Ainsi l'UE a pu emprunter à 0,000 % et 0,100%, respectivement pour des obligations à dix et vingt ans. En septembre 2020, la Grèce avait obtenu pour des emprunts sur dix ans un taux de 1,23 % et la France de 0,7%.
Dès 1993, Jacques Delors proposait cette idée. Le Français, alors président de la Commission européenne, entendait financer des projets d’avenir. Elle a depuis été maintes fois soumise, sans succès jusqu’à présent. En tout cas pas à ce niveau-là. "Il y a bien eu des précédents avec la CECA (Communauté européenne du Charbon et de l'Acier) et Euratom (financement de centrales nucléaires et d'usines de traitement des déchets nucléaires), ainsi que les prêts aux balances des paiements, mais ils étaient alors très limités et très contrôlés", précise Henry Marty-Gauquié.
"Plusieurs murs sont tombés avec un budget en croissance passant de 1,1 à 1,3% du PIB et donc pas d'austérité; un instrument anticyclique dans le budget qui ne se contente plus d'être un budget d'investissement; la continuation des politiques communautaires; et le fait que l'UE doive emprunter, car le budget doit rester à l'équilibre", explique Henry Marty-Gauquié, directeur honoraire de la BEI. Emprunter au nom des États membres pour permettre à ces derniers de bénéficier des taux les plus bas consentis à son institution brise un tabou. "Nous passons d'une dette mutualisée à une dette communautaire", souligne-t-il.
Proposé fin mars 2020, par neuf pays européens, et principalement les trois pays du Sud de l'Europe les plus touchés par la première vague de la Covid-19 (France, Italie et Espagne), la création de "Corona Bonds" permet de s'appuyer sur les excellentes cotations attribuées par les agences de notation à l'Union européenne : AAA par Fitch et par Moody's et Aaa par S&P. Soit les meilleures notes possibles. Ainsi l'UE a pu emprunter à 0,000 % et 0,100%, respectivement pour des obligations à dix et vingt ans. En septembre 2020, la Grèce avait obtenu pour des emprunts sur dix ans un taux de 1,23 % et la France de 0,7%.
Dès 1993, Jacques Delors proposait cette idée. Le Français, alors président de la Commission européenne, entendait financer des projets d’avenir. Elle a depuis été maintes fois soumise, sans succès jusqu’à présent. En tout cas pas à ce niveau-là. "Il y a bien eu des précédents avec la CECA (Communauté européenne du Charbon et de l'Acier) et Euratom (financement de centrales nucléaires et d'usines de traitement des déchets nucléaires), ainsi que les prêts aux balances des paiements, mais ils étaient alors très limités et très contrôlés", précise Henry Marty-Gauquié.
750 mrds pour NextGenerationEU
Cette fois-ci, Conseil européen et Commission européenne se retrouvent, tout en se heurtant au barrage dressé par Angela Merkel. L’Allemagne, mais aussi les Pays-Bas et les autres pays baptisés "frugaux", ont finalement ouvert les vannes à contrecœur alors que les "Corona Bonds" risquent tout bonnement de se retourner contre eux. Si les principaux bénéficiaires n’arrivent pas à rembourser, la solidarité obligera en effet les autres États membres, plus solvables, à mettre la main au portefeuille. Ils risquent donc de payer pour les mauvais élèves.
"Cette crise nous a montré que nous avions trop internationalisé nos chaînes de valeur, confondu la valeur et le coût de ce que nous délocalisions. Nous avons trop donné à la Chine, et en même temps, nous allons nous endetter auprès des Chinois", note Henry Marty-Gauquié. L'enveloppe de 750 mrds€ de NextGenerationEU du futur budget comprend 390 mrds€ de subventions et 360 mrds€ de prêts remboursables par les pays bénéficiaire. Ils se voient attribuer une enveloppe prédéfinie en fonction de critères spécifiques comme le nombre d'habitants, le PIB par habitant et le taux de chômage avant le début de la pandémie (2015 à 2019). Les plans nationaux qu’ils viendront épauler se trouvent en pleine discussion (15 octobre au 31 décembre 2020) avec les services de la Commission européenne, dans le cadre du Semestre européen (cycle de coordination des politiques économiques et budgétaires) pour voir s’ils respectent les recommandations de l’institution. Ainsi, 37% des dépenses devront être en phase avec les objectifs environnementaux fixés par l'UE, dont la neutralité carbone à horizon 2050, et 20% couvrir des dépenses en faveur de la digitalisation de l’économie.
Les subventions seront allouées aux États membres les plus impactés par la Covid-19 (principalement l'Espagne et l'Italie, mais aussi la France). 70 % de cette somme sera engagée en 2021 et 2022 et 30 % en 2023 pour favoriser la résilience des secteurs contaminés par les conséquences de la crise sanitaire. Pour les allocations de 2023, le critère du chômage sera remplacé par la baisse du PIB en 2020 et 2021.
"Cette crise nous a montré que nous avions trop internationalisé nos chaînes de valeur, confondu la valeur et le coût de ce que nous délocalisions. Nous avons trop donné à la Chine, et en même temps, nous allons nous endetter auprès des Chinois", note Henry Marty-Gauquié. L'enveloppe de 750 mrds€ de NextGenerationEU du futur budget comprend 390 mrds€ de subventions et 360 mrds€ de prêts remboursables par les pays bénéficiaire. Ils se voient attribuer une enveloppe prédéfinie en fonction de critères spécifiques comme le nombre d'habitants, le PIB par habitant et le taux de chômage avant le début de la pandémie (2015 à 2019). Les plans nationaux qu’ils viendront épauler se trouvent en pleine discussion (15 octobre au 31 décembre 2020) avec les services de la Commission européenne, dans le cadre du Semestre européen (cycle de coordination des politiques économiques et budgétaires) pour voir s’ils respectent les recommandations de l’institution. Ainsi, 37% des dépenses devront être en phase avec les objectifs environnementaux fixés par l'UE, dont la neutralité carbone à horizon 2050, et 20% couvrir des dépenses en faveur de la digitalisation de l’économie.
Les subventions seront allouées aux États membres les plus impactés par la Covid-19 (principalement l'Espagne et l'Italie, mais aussi la France). 70 % de cette somme sera engagée en 2021 et 2022 et 30 % en 2023 pour favoriser la résilience des secteurs contaminés par les conséquences de la crise sanitaire. Pour les allocations de 2023, le critère du chômage sera remplacé par la baisse du PIB en 2020 et 2021.
Le Plan de relance européen irrigue les plans nationaux

SURE va aider les États membres à financer leurs mesures de chômage partiel (infographie : Commission européenne)
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Confrontés aux économies encore convalescentes de la crise de 2008, "Les institutions européennes ont tout de suite proposé un mode d'emploi et des solutions à hauteur de 544 mrds€. Les aux Etats membres avaient pourtant déjà engagé des mesures sans tenir compte de l'Europe, avec notamment la fermeture des frontières", commente Henry Marty-Gauquié. Ce premier soutien financier annoncé en avril 2020 et appuyé par la Banque européenne d'investissement (BEI) via un fonds de garantie panaeuropéen de 25 mrds€, ouvrait la porte aux 750 mrds€ promis par l'UE pour irriguer les différents dispositifs déployés par les États membres. Ainsi la France a lancé, début septembre 2020, un plan de relance de 100 mrds€. Jugé par Euler Hermes, "équilibré, avec un tiers des efforts portant sur l'emploi et la demande à court terme et deux tiers sur des mesures de moyen terme concernant l'investissement productif et la transition écologique", il sera financé à 40% par l'UE. L'Italie va y consacrer 20 mrds€ et l'Espagne 80 mrds€.
Le coup d'envoi du dispositif SURE (Support to mitigate unemployment risks in emergency - Soutien pour atténuer les risques de chômage en cas d'urgence) donne le "la". Annoncé début avril 2020 par la présidente de la Commission européenne, SURE mobilise 100 mrds€ pour garantir, principalement, les plans de chômage partiel engagés par les États membres.
Pour le financer, la Commission européenne a donc eu recours à l'emprunt. Le 20 octobre 2020, elle émettait ses premières obligations sociales, pour un montant de 17 mrds€. Une première de 10 mrds€ devra être remboursée en octobre 2030, et la seconde de 7 mrds€ en 2040. Les deux émissions ont connu un succès phénoménal puisque les "Corona Bonds" ont été souscrits à treize fois la capacité, en une heure. "Cela montre le grand appétit des investisseurs et signifie que le marché attendait une telle réponse", souligne Rym Ayadi. Pour la présidente d'Emea (Association des économistes euroméditerranéens) et directrice d'Emnes (Réseau euro-méditerranéen pour les études économiques), "l'important est de savoir comment ces fonds seront utilisés. Ils doivent être contrôlés pour s'assurer qu'ils atteignent leur objectif initial, tout en réduisant les incitations des pays à s'écarter de la voie de la discipline fiscale."
Le coup d'envoi du dispositif SURE (Support to mitigate unemployment risks in emergency - Soutien pour atténuer les risques de chômage en cas d'urgence) donne le "la". Annoncé début avril 2020 par la présidente de la Commission européenne, SURE mobilise 100 mrds€ pour garantir, principalement, les plans de chômage partiel engagés par les États membres.
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"750 mrds€, ça ne suffira pas !"
Six jours après l'émission, les premiers versements intervenaient avec comme bénéficiaires l'Italie (10 mrds€), l'Espagne (6 mrds€) et la Pologne (1 mrd€). À terme, ces trois pays recevront au titre de SURE un total de 59,9 mrds€, soit 27,4 mrds€ pour l'Italie, 21,3 mrds€ pour l'Espagne et 11,2 mrds€ pour la Pologne. À ce jour, le Conseil européen a approuvé 87,8 mrds€ en faveur de dix-sept Etats membres. D'autres émissions, d'un montant maximal de 100 mrds€, sont programmées sur la période 2020-2021 dont 30 mrds d’ici la fin de l'année 2020.
"La construction européenne est une réussite malgré la diversité de ses États membres. A mon avis, elle devrait servir de modèle à d’autres unions. Face à cette menace sanitaire commune, l'UE a montré au monde ce qui est possible. L’union fait la force dans l'action ! C'est louable et doit être applaudi dans tous les coins du monde", se félicite Rym Ayadi. "Il s'agit d'un moment historique pour l'UE et j'espère que cela constituera également un nouveau départ pour l'union", commente Dacian Cioloş, député européen, co-rapporteur du CFP.
Cette émission obligataire marque une première étape. Une première tranche de 200 mrds€ du fonds de relance NextGenerationEU sera levée en 2021."Nul ne doute que l'UE arrivera à emprunter les 750 mrds€", affirme Henry Marty-Gauquié. Tout en lançant, "750 mrds€, ça ne suffira pas !" Le directeur honoraire de la BEI pense que "pour contrer une crise qui va s'étaler sur dix ans, et alors que nous sommes surendettés sur trente ans, il faudra prévoir entre 2 000 et 2 500 mrds€. Les États-Unis vont y consacrer 4 000 mrds$."
"La construction européenne est une réussite malgré la diversité de ses États membres. A mon avis, elle devrait servir de modèle à d’autres unions. Face à cette menace sanitaire commune, l'UE a montré au monde ce qui est possible. L’union fait la force dans l'action ! C'est louable et doit être applaudi dans tous les coins du monde", se félicite Rym Ayadi. "Il s'agit d'un moment historique pour l'UE et j'espère que cela constituera également un nouveau départ pour l'union", commente Dacian Cioloş, député européen, co-rapporteur du CFP.
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